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du nord le deffechent au point d'être confervé fans pourriture, & d'être envoyé dans d'autres climats, où il fe garde pendant plufieurs années. La qualité dépend beaucoup des foins qu'on y emploie, & qui demandent bien du temps & de l'expérience.

DE LA TORPILLE.

il

DE E tous les animaux qui nagent, n'en eft point d'une efpece plus furprenante que la torpille (1). Ce poiffon fe trouve fur les côtes de France & d'Espa-gne, dans l'Océan & dans la Méditerranée. On en voit auffi en Amérique & dans d'autres endroits, qui ont les mêmes effets que les nôtres, mais qui font de figures différentes. Les plus grandes torpilles n'ont guere que dix-huit ou vingt pouces. Elles ont le corps plat & cartilagineux : leur figure eft à peu près celle d'une raie. Leur peau eft gliffante, fans écailles fenfibles, & pleine de taches. Elles ont les yeux petits. Leur bouche paroît très-petite étant fermée; mais elle devient fort grande en s'ouvrant. Elle eft garnie de dents aiguës. Leur dos est couleur d'orange pâle, & leur ventre eft

blanc.

Si on touche la torpille avec un bâton,

(1) Torpille ou torpede, vient du mot latin torpere, qui fignifie engourdir.

on reffent un engourdiffement peu confidérable; mais fi on la touche immédiatement, ou par l'interpofition de quelque corps peu épais, le membre qui prend cette efpece de communication avec l'animal, s'engourdit tellement qu'il devient immobile, & en même temps on reffent une efpece de douleur, qui dure deux ou trois minutes dans les autres parties du corps. L'engourdiffement diminue enfuite par degrés, & rarement il dure plus d'une heure. Cette fenfation eft moins forte, lorfqu'on tient le poiffon fortement preffé entre les doigts; & en le touchant avec une corde ou un filet, ou une autre matiere qui fait peu de résistance, on ne reffent point d'effets. La torpille n'a cette vertu que lorfqu'elle eft vivante. On la mange fans danger. Quelquefois même elle peut être maniée affez long-temps, jufqu'à ce que l'impatience de retourner dans l'eau, ou quelque douleur qu'on lui caufe en la preffant, lui occafionne le mouvement par lequel elle produit cet engourdiffement, qui eft affez fort pour obliger néceffairement à la lâcher. Lorfqu'elle eft prife nouvellement, elle agit plus fouvent, & d'une maniere plus fenfible ; mais après

avoir été quelques heures hors de l'eau, fa vertu languit & diminue par degrés. Cet engourdiffement ne reffemble point à celui qui fe fait quelquefois fentir dans un membre, lorfqu'ayant été preffé longtemps, la circulation du fang & des autres liqueurs s'y trouve contrainte. C'est comme une vapeur fubite, qui, passant au travers des pores, pénetre en un moment jufqu'aux fources de la vie, d'où elle fe répand dans tout le corps, & cause une véritable douleur. Les fibres fe contractent tellement, qu'on s'imagine que tous les os, fur-tout ceux de la partie affectée, font fortis de leurs jointures. On prévient ces effets en retenant fon haleine; mais fi l'on recommence à la laiffer fortir, l'engourdiffement recommence auffi à fe faire fentir.

M. de Réaumur a donné une raifon de ce phénomene, qui, fans être pleinement convaincante, paroît du moins vraifemblable. La torpille a, dit-il, comme les autres poiffons plats, le dos un peu convexe. Quand on la touche, cette partie s'applatit, & même devient concave. On s'apperçoit bien de ce changement; mais on ne la voit redevenue convexe, que quand on eft frappé. Par la diffection

de ce poiffon, on voit que la torpille a deux grands muscles égaux & pareils, l'un à droite, & l'autre à gauche, qui prennent leur naiffance dans l'endroit où finit la tête, & fe terminent où commence la queue. Elle eft, de plus, pourvue de fibres mufculeufes, paralleles entre elles, & perpendiculaires au dos & au ventre. Dans le moment que ce poiffon fe fent touché, il retire toutes ces fibres, qui font comme autant de cylindres, & en diminue la hauteur; en forte que la furface convexe devient plate, & même concave; & lâchant le reffort de toutes ces parties, qu'il débande toutes ensemble, la peau cartilagineufe de fon corps donne, par ces coups prompts & réitérés, à la partie qui le touche, un choc qui ébranle les nerfs & les fibres; en forte que la circulation naturelle étant dérangée fubitement, il s'enfuit un engourdiffement réel. Plus l'endroit où l'on touche ce poiffon est éloigné de ces deux muscles, moins l'impreffion que l'on reffent eft confidérable. On peut le prendre fans crainte par la queue, & c'est par où les pêcheurs ne manquent pas de le faifir.

La torpille vit de poiffons, & elle fe

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