Dixième Regle.

Les riches font obligez, même dans les neceffitez ordinaires, de donner l'aumône de leur fuperflu, & ils n'y peuvent manquer fans commettre un peché confiderable: deforte qu'au fentiment des plus habile's Theologiens, un riche qui feroit dans cette difpofition, de ne point donner l'aumône dans les neceffitez communes, ne feroit pas en voye de falut. 1°. Parce que cette difpofition marque une attache exceffive & dereglée au bien, & une dureté de cœur qui ne peuvent pas fubfifter avec la charité Chrétienne. 2°. Parce que fi cette difpofition étoit permife, & que chacun y pût être fans

fcrupule, il arriveroit souvent que les pauvres demeureroient abandonnez, & tomberoient aifément d'une neceffité commune & ordinaire dans une neceffité preffante & extraordinaire.

Onziéme Regle.

On doit dans la diftribution des aumônes préferer les parens aux étrangers, les plus neceffiteux à ceux qui le font moins, les gens de bien aux perfonnes vicieuses, les pauvres honteux aux mandians " les malades à ceux qui se portent bien, ceux qui travaillent, aux fainéans & aux vagabonds. Il faut encore avoir plus d'égard aux besoins de l'ame qu'à ceux du corps ; ainfi les aumônes qui fervent

à empêcher le peché, ou en retirer ceux qui y font enga

gez, & qui contribuent de quelque maniere que ce foit au falut des pauvres, font plus agréables à Dieu, & d'un plus grand merite pour ceux qui les font, que ne font cel les qui ne fervent qu'à foulager le corps, & à fubvenir aux befoins temporels.

No

Os biens deviennent fouvent de veritables maux pour nous, par le mauvais ufage que nous en faifons. Ce n'eft pas un peché d'être

riche, mais c'est souvent un grand peché de ne pas faire un bon ufage de fes richeffes. Combien y a-t-il de perfonnes dans l'enfer qui n'y feroient pas, s'ils n'avoient pas été riches fur la terre ? C'eft donc un des principaux devoirs de la prudence Chrétienne, de prefcrire là-deffus des regles conformes aux maximes de l'Evangile. On les peut reduire à trois: 1o. On doit moderer l'attache aux biens de la terre. 2°. On doit en regler la dépense. 3°. On doit avoir un foin raisonnable de les conferver.

La premiere regle qu'on doit obferver pour faire un bon ufage de fes richeffes, c'eft d'en moderer l'attache. La pauvreté Evangelique qui engage un homme à fe dé

poüiller réellement & en ef fet de tous fes biens, n'est que de perfection & de confeil, mais la pauvreté Chrétienne qui nous oblige à nous en détacher le cœur, eft d'obligation & de precepte. Ainfi lorf que le Fils de Dieu donne fa malediction aux riches, c'est à ceux qui ont une attache exceffive à leurs biens. Ce n'étoit pas à des Religieux que faint Paul parloit, mais à des Chrétiens de toutes fortes d'états, lorsqu'il donnoit cet enfeignement aux Fidéles de .Cor. 7. Corinthe: Que ceux qui ac230431 quierent des biens temporels, les poffedent avec autant de détachement que s'ils ne les poffedoient pas : que ceux qui ufent du monde, en ufent comme s'ils n'en ufoient pas.

En effet, quand l'attache