페이지 이미지
PDF
ePub

& qui peuvent s'allier avec la vertu. Il faut cependant user en cela de beaucoup de précaution: & comme il eft difficile que quand la raillerie continuë quelque-temps, elle ne tombe dans quelqu'un des défauts qu'on vient de marquer, il ne faut pas la pouffer trop loin; mais il faut fur tout éviter celle dont le but eft de tourner les autres en ridicules; quand ce feroit même fur des défauts où la volonté n'auroit point de part, & qui ne feroient pas libres. On eft fouvent moins fenfible à une mé difance, qu'à une plaifanterie qui donne dans le monde à une perfonne un air ridicule, & qui la rend méprifable. Enfin il faut en cette matiere, comme en tout le refte, garder la regle generale de la

charité, qui eft de ne point faire au prochain ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fît à nous-mêmes.

CHAPITRE XII

Des regles qu'on doit garder dans l'amitié pour la rendre chrétienne.

I

Left toûjours avantageux,

fur tout pour les perfonnes

qui ont à vivre dans le monde, d'avoir des amis; & il eft même difficile de s'en paffer. Les amis, quand ils font bien choifis, font d'un grand usage le commerce & pour la pour douceur de la vie, & même d'un grand fecours pour la pratique de la vertu. Vouloir

qu'une grande vertu foit incompatible avec l'amitié, c'est non-feulement combattre le

fentiment de presque tous les hommes, mais encore condamner la conduite des plus grands Saints. Les Bafiles & les Gregoires, les Augustins & les Alipius, & tant d'autres pour avoir été amis également tendres & genereux, n'en ont pas été moins Saints; leur union au contraire n'a fervi qu'à les unir plus étroitement à Dieu. Jefus - Chrift lui-même a autorifé l'amitié par fon exemple, ayant eu, autant qu'on en peut juger, une amitié plus tendre & plus particuliere pour faint Jean, que pour les autres Difciples.

Mais s'il eft avantageux d'avoir des amis, il est impor

tant de les bien choifir, & il n'eft pas toujours aifé d'en trouver qui nous conviennent. Il faut qu'il y ait du rapport entre les perfonnes qui veulent lier ensemble, & de la conformité de fentimens d'humeur & d'inclinations ; c'est ce rapport & cette conformité qui nous rend agréa bles ceux avec qui nous avons à vivre, & qui nous fait trouver dans la liaison que nous avons avec nos amis, une certaine douceur & un certain

plaifir, fans quoy l'amitié ne peut fubfifter. Mais ce n'eft pas affez pour une amitié Chrétienne , que ceux que nous voulons avoir pour amis nous foient agréables, il faut encore qu'ils foient vertueux; fans cela le plaifir & l'agrément que nous trouverions

dans leur amitié ne ferviroit qu'à entretenir une inclina, tion toute fenfuelle & une tendresse dangereufe, Toute amitié qui n'eft pas fondée fur la vertu, ou au moins qui ne la fuppofe pas, n'est ordinairement qu'un commerce funefte, par lequel en fe communiquant fes fentimens & fes paffions, on fe communique les uns aux autres fes vices & fes défauts, & on ne s'unit fouvent ensemble que pour se féparer & pour s'éloi gner de Dieu, & une amitié qui auroit des fuites fi mauvaifes, doit-elle fe regarder comme une veritable amitié ?

Dieu doit donc être le principe & la fin d'une amitié Chrétienne & reglée, & la vertu en doit être le lien, encore plus que le rapport des

« 이전계속 »