CHAPITRE VII. Du recueillement ou de l'exercice de la préfence de Dieu pendant la journée. L 'Exercice du recueillement & de la présence de Dieu pendant la journée, eft un des plus utiles & des plus importants de la vie Chrétienne. Faute de ce recüeillement on fe diffipe beaucoup, même dans les occupations les plus faintes & les meilleures : on s'attache fou vent aux creatures, parmi lefquelles ces occupations nous engagent, & il est difficile qu'en s'y attachant, l'ef prit & le cœur ne fe corrom infenfiblement : au lieu retours frequents pent que ces vers Dieu & cette attention à nous-mêmes qu'infpire l'ef prit de recueillement, empêchent qu'on ne s'attache trop aux creatures & par confequent qu'on ne tombe dans plufieurs fautes qui font une fuite neceffaire de cet attachement, & font que dans toutes nos actions nous avons une intention plus pure & plus droite, & qu'ainfi nous les faifons avec plus de per fection & de merite. Ce recueillement, comme on vient de l'infinuer, renferme deux chofes. Premierement, une attention frequente à Dieu. Secondement, une attention frequente à nous-mêmes. Attention à Dieu pour ne regarder que lui dans ce que nous faifons, & pour faire de fa gloire la fin de toutes nos actions; pour le confulter dans tous nos deffeins, & faire de fes lumieres & des maximes de l'Evangile l'unique regle de nôtre conduite; enfin pour ne s'ap fur lui dans toutes puyer que nos affaires, & faire de fon fecours & de fa grace le principal, ou plutoft l'unique fondement de nôtre confiance. Attention à nous-mêmes, pour obferver tout ce qui fe paffe au dedans de nous, pour veiller fur mille mouvemens naturels & fenfuels qui nous échapent, fur beaucoup de vûës humaines qui fe mêlent dans nos meilleures actions fur mille retours continuels mais prefque imperceptibles, de l'amour propre, qui fe glif fent par tout; enfin pour mo derer nôtre activité naturelle & pour reprimer les faillies de nôtre humeur qui entre prefque dans tout ce que nous faifons, & qui y fait entrer en même-temps beaucoup de défauts. On peut dire que la pratique de ce recueillement eft un moyen feur & facile de maintenir fon interieur dans une grande paix, de relever les actions les plus baffes par des motifs trésfaints & trés-nobles, de donner un grand merite aux actions les plus indifferentes & les plus naturelles, & d'arriver même à une haute perfection, en faisant les chofes les plus communes & les plus ordinaires. Pour avancer dans un exercice fi utile, & pour en ren dre la pratique plus aisée. Il faut premierement retrancher autant qu'on le peut, les vifites inutiles, & les converfations vaines & mondaines, Secondement, aimer le filen, ce & parler peu:car les grands parleurs font ordinairement fort diffipez & ont une grande oppofition au recueillement, Troifiémement, garder soigneufement fes fens, fur tout les yeux & les oreilles, parce que c'eft ordinairement par ces deux fens qu'entrent les objets qui nous diffipent; & reprimer l'égarement de l'i magination & le libertinage de l'efprit, pour ne point s'occuper de mille pensées vaines & frivoles. Quatrièmement, ne se point laiffer trop accabler d'occupations quel que bonnes qu'elle foient, |