Comme un fier tourbillon, qui faccage, & ruïne, Tournant vers fon vainqueur fa paupiere pefante, Au nom du viel Anchise, helas! dans mon malheur, Enée à ce difcours, fur lui roulant fes yeux, Er que fe trifte objet rappelle à fa memoire Donc transporté de rage, & le voyant mourir, Pense tu, Pour Pour vanger fon malheur emprunteroit mon bras: Meurs, puifque c'en eft fait: Du fond de fa poi trine Il retire à ces mots la longue javeline. Du corps pâle, & glacé l'ame brife les fers, FIN. REMAR L'ENEÏD E. OICI une nouvelle carriere qui fe prefente à nôtre grand Poëte dans les fix premiers Livres il a imité l'Odiffée, dans les fix derniers il fe propofe l'Iliade pour exemple. Il donne même à entendre dans l'invocation qui fe lit au commencement de ce feptiéme Livre, qu'il croyoit cette partie plus importante que la premiere, car il en parle en ces termes. Majus opus moveo. Neanmoins par la deftinée de la plupart des Ouvra ges ces derniers Livres ne font pas fi eftimez que les premiers, & on les lit beaucoup moins. Mais quand je les examine de près, & par rapport à tout l'Ouvrage, je n'en puis concevoir la caufe. Il eft certain que comme le Poëte les avoit moins releus que les premiers, la verfification n'en eft pas fi parfaite. Mais pour l'ordre, pour les fictions, & les autres matieres, fans doute qu'il n'en doivent rien aux premiers. Ce feptiéme Livre fur tout contient autant de choées agreables qu'aucun autre ; tout y eft merveilleux, & il eft rempli d'une fi grande diverfité d'evenements, qu'il y a peu de Livres que la fable attache davantage. Sa principale partie eft la reveuë ou le dénombrement, & il eft aifé de voir que le Poëte s'y eft élevé. Mais comme cette partie eft une des principales du Poëme Heroïque, il fera mieux d'en parler en fon lieu. Nous marquerons auffi les autres endroits où le Poëte s'eft excité. Et fuivant mon premier deffein, je répondrai aux objections qui me feront connuës; j'entends celles qui regardent la conduite ou la matiere du Poëme, ou qui peuvent choquer le bon fens, laiffant comme j'ai fait ce qui peut regarder la Critique; la Geographie, ou la Fable, aux Commentateurs qui font en fi grand nombre, ou fans aller plus loin aux Dictionnaires Poëtiques, Hiftoriques & Geographiques, qui en peuvent donner une intelligence suffifante. I. RACONTE MAINTENANT MUSE, &c. Le Po te qui prétend entrer dans une nouvelle matiere, renouvelle fon invocation: beaucoup s'étonnent qu'il donne à cette Muse le nom d'Erato qui eft la Muse de l'Amour ayant à chanter, comme il dit lui-même la guerre la plus horrible. Dicam horrida bella. Mais il eft aile de répondre qu'il a pris ce nom fingulier d'une Mufe par la figure Poëtique qui permet de nominer l'efpece pour le genre, ou une partie pour le tout. Je remarque à propos de ces mots : Dicam horrida bella, que le Speroni dans un de fes Dialogues fortifie d'une raifon affez forte l'opinion de ceux qui tiennent que Virgile n'a jamais commencé fon Eneïde par ces mot Arma virumque cano. Il dit que les Latins ne le font jamais fervi de ce mot arma, indépendamment pour fignifier la guerre comme les Italiens & nos François ; que mêmes arma feul ne fe met gueres en toute autre fignification fans quelque chofe qui le fuive: comme * Page 4. de la Traduction. Vers 37. du Latin. Cerea Cerealiaque arma, Cupidinis arma, Martis arma, &c. En Quibus cælo fe gloria tollit Eneadum, comme Virgile a-dit fuivant l'opinion d At nunc horrentia Martis Arma, virumque cano. Ces raifons doivent être ajoûtées à la premiere de gens trouvent cet endroit puerile, mais je croi que la principale raifon qu'ils en ayent, eft l'ex- preffion de nôtre Poëte, qui eft un peu nuë dans le vers qui répond à cet endroit de ma Traduction. Menfas confumimus, inquit Fulus. Après avoir jetté une fi grande horreur de la predic- tion de Celeno qu'Enée femble ne pouvoir trouver affez de devins en fon chemin pour en favoir l'explication, il * Pag, 7. de la Traduction. Vers 116. du Latin, |