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Comme un fier tourbillon, qui faccage, & ruïne,
Le dard vole, & fend l'air avec le clair harnois,
Malgré le bouclier redoublé par fept fois,
Percé d'un large coup Turne chancele, & tombe:
Tout fon camp effrayé, du même coup fuccombe;
Et du cri qui s'éleve encor long-tems après,
On entend retentir les monts, & les forefts.

Tournant vers fon vainqueur fa paupiere pefante,
Lui tendant humblement une main fupliante;
J'ai merité, dit-il, ce funefte trepas.
Jouis de ton bonheur, je n'y refifte pas :
Mais ô vaillant Heros, fi ton cœur eft capable
De fentir les ennuis d'un pere inconfolable;

Au nom du viel Anchise, helas! dans mon malheur,
De Daune accablé d'ans contemple la douleur ;
Et verfant, fi tu veux, tout le fang qui me reste,
Daigne lui rendre au moins ma dépouille funefte.
Puifque tu m'as vaincu, fois content de mon fort;
Et n'étends point ta haine au delà de la mort,
Je le declare aux yeux de toute l'Aufonie,.
La victoire eft à toi; poffede Lavinie.

Enée à ce difcours, fur lui roulant fes yeux,
Se modere, & retient fon transport furieux:
Déja par la pitié fon ame balancée,
Au pardon genereux inclinoit fa pensée ;
Quand foudain fur le dos de ce jeune guerrier
Apparoît de Pallas le fatal baudrier;

Er que fe trifte objet rappelle à fa memoire
De fon fier ennemi l'infolente victoire.

Donc transporté de rage, & le voyant mourir,
Quand même fa pitié l'eût voulu fecourir.

Pense tu,
lui dit-il, émouvoir mon courage,
Ofant me prefenter ce butin qui m'outrage.
Si tu vivois encor, Pallas, mon cher Pallas

Pour

Pour vanger fon malheur emprunteroit mon bras: Meurs, puifque c'en eft fait: Du fond de fa poi

trine

Il retire à ces mots la longue javeline.

Du corps pâle, & glacé l'ame brife les fers,
Le quitte en gemiffant, & s'envole aux enfers,

FIN.

REMAR

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L'ENEÏD E.

OICI une nouvelle carriere qui fe prefente à nôtre grand Poëte dans les fix premiers Livres il a imité l'Odiffée, dans les fix derniers il fe propofe l'Iliade pour exemple. Il donne même à entendre dans l'invocation qui fe lit au commencement de ce feptiéme Livre, qu'il croyoit cette partie plus importante que la premiere, car il en parle en ces termes.

Majus opus moveo.

Neanmoins par la deftinée de la plupart des Ouvra

ges

ces derniers Livres ne font pas fi eftimez que les premiers, & on les lit beaucoup moins. Mais quand je les examine de près, & par rapport à tout l'Ouvrage, je n'en puis concevoir la caufe. Il eft certain que comme le Poëte les avoit moins releus que les premiers, la verfification n'en eft pas fi parfaite. Mais pour l'ordre, pour les fictions, & les autres matieres, fans doute qu'il n'en doivent rien aux premiers. Ce feptiéme Livre fur tout contient autant de choées agreables qu'aucun autre ;

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tout y eft merveilleux, & il eft rempli d'une fi grande diverfité d'evenements, qu'il y a peu de Livres que la fable attache davantage. Sa principale partie eft la reveuë ou le dénombrement, & il eft aifé de voir que le Poëte s'y eft élevé. Mais comme cette partie eft une des principales du Poëme Heroïque, il fera mieux d'en parler en fon lieu. Nous marquerons auffi les autres endroits où le Poëte s'eft excité. Et fuivant mon premier deffein, je répondrai aux objections qui me feront connuës; j'entends celles qui regardent la conduite ou la matiere du Poëme, ou qui peuvent choquer le bon fens, laiffant comme j'ai fait ce qui peut regarder la Critique; la Geographie, ou la Fable, aux Commentateurs qui font en fi grand nombre, ou fans aller plus loin aux Dictionnaires Poëtiques, Hiftoriques & Geographiques, qui en peuvent donner une intelligence suffifante.

I.

RACONTE MAINTENANT MUSE, &c. Le Po te qui prétend entrer dans une nouvelle matiere, renouvelle fon invocation: beaucoup s'étonnent qu'il donne à cette Muse le nom d'Erato qui eft la Muse de l'Amour ayant à chanter, comme il dit lui-même la guerre la plus horrible.

Dicam horrida bella.

Mais il eft aile de répondre qu'il a pris ce nom fingulier d'une Mufe par la figure Poëtique qui permet de nominer l'efpece pour le genre, ou une partie pour le tout. Je remarque à propos de ces mots : Dicam horrida bella, que le Speroni dans un de fes Dialogues fortifie d'une raifon affez forte l'opinion de ceux qui tiennent que Virgile n'a jamais commencé fon Eneïde par ces mot Arma virumque cano. Il dit que les Latins ne le font jamais fervi de ce mot arma, indépendamment pour fignifier la guerre comme les Italiens & nos François ; que mêmes arma feul ne fe met gueres en toute autre fignification fans quelque chofe qui le fuive: comme

* Page 4. de la Traduction. Vers 37. du Latin.

Cerea

Cerealiaque arma, Cupidinis arma, Martis arma, &c. En
effet je croi qu'on trouvera peu d'exemples, qu'arma
feul fignifie la guerre ces termes, dicam horrida bella,
dont le Poëte fe fert pour fignifier la même chose qu'il a
voulu faire dans fa propofition, me font trouver beau-
coup d'apparence à ce que dit le Speroni. Et fi Silius Itali-
cus eft le finge de Virgile, comme le maintiennent ceux
du parti contraire; on peut voir auffi qu'il ne dit pas :
Ordior arma, fimplement pour dire, je chante la guer-
re; mais qu'il ajoûte au contraire :

Quibus cælo fe gloria tollit

Eneadum, comme Virgile a-dit fuivant l'opinion d
Speroni :

At nunc horrentia Martis

Arma, virumque cano.

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*

Pag, 7. de la Traduction. Vers 116. du Latin,

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