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La femme ainsi formée est présentée « de la main de » Dieu » au premier homme, qui ayant vu dans son extase ce que Dieu faisoit : « C'est ici », dit-il d'abord, « l'os de mes » os, et la chair de ma chair : elle s'appellera Virago, parce » qu'elle est formée de l'homme; et l'homme quittera son » père et sa mère, et il s'unira à sa femme1». On peut croire, par cette parole, que Dieu avoit formé la femme d'un os revêtu de chair; et que l'os seul est nommé comme prévalant dans cette formation.

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Quoi qu'il en soit, encore une fois, sans nous arrêter davantage à des questions curieuses, et remarquant seulement en un mot ce qui paroît dans le texte sacré; considérons en esprit cette épouse mystérieuse; c'est-à-dire la sainte Église tirée, et comme arrachée du sacré côté du nouvel Adam pendant son extase, et formée, pour ainsi parler, par cette plaie, dont toute la consistance est dans les os et dans les chairs de Jésus-Christ, qui se l'incorpore par le mystère de l'Incarnation, et par celui de l'Eucharistie qui en est une extension admirable. Il quitte tout pour s'unir à elle: il quitte en quelque façon son père qu'il avoit dans le ciel, et sa mère synagogue d'où il étoit issu selon la chair, pour s'attacher à son Épouse, ramassée parmi les Gentils. C'est nous qui sommes cette épouse; c'est nous qui vivons des os et des chairs de Jésus-Christ, par les deux grands mystères qu'on vient de voir. « C'est nous qui sommes, » comme dit saint Pierre 2, a cet édifice spirituel et le temple vivant du Seigneur, » bâti en esprit dès le temps de la formation d'Ève notre mère, et dès l'origine du monde. Considérons dans le nom d'Ève, qui signifie mère des vivants, et l'Église mère des véritables vivants et la bienheureuse Marie, la vraie mère des vivants, qui nous a tous enfantés avec Jésus-Christ qu'elle a conçu par la foi. O homme! voilà ce qui t'est montré dans la création de la femme, pour prévenir, par ce sérieux, toutes les frivoles pensées qui passent dans l'esprit des hommes au souvenir des deux sexes, depuis seulement que le péché en a corrompu l'institution. Revenons à notre origine; respectons l'ouvrage

Gen. II. 23. 24. 2 I. Petr. II. 5.

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de Dieu et son dessein primitif; éloignons les pensées de la chair et du sang; et ne nous plongeons point dans cette boue, pendant que dans le récit qu'on vient d'entendre, Dieu prend tant de soins de nous en tirer.

III ÉLÉV. Dieu donne à l'homme un commandement, et l'avertit de son franc arbitre, et tout ensemble de sa sujétion.

« Vous mangerez de tous les fruits du paradis; mais vous >> ne mangerez point de l'arbre de la science du bien et du » mal: car, au jour que vous en mangerez, vous mourrez de mort»: la mort vous sera inévitable.

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Ève fut présente à ce commandement, quoique par anticipation, il soit rapporté avant sa production ; ou en tout cas, il fut répété en sa présence puisqu'elle dit au serpent : « Le Seigneur nous a commandé de ne point manger ce fruit2 »: si ce n'est qu'on aime mieux croire qu'elle apprit d'Adam la défense de Dieu; et que dès lors il ait plu à Dieu de nous enseigner que c'est un devoir des femmes « d'interroger », comme dit saint Paul, « dans la maison et en particulier >> leurs maris3», et d'attendre d'eux les ordres de Dieu.

Quoi qu'il en soit, Dieu fait deux choses par ce commandement, il enseigne à l'homme premièrement son libre arbitre, et secondement sa sujétion.

Le libre arbitre est un des endroits de l'homme, où l'image de Dieu paroît davantage. Dieu est libre à faire ou ne faire pas au dehors tout ce qui lui plaît; parce qu'il n'a besoin de rien, et qu'il est supérieur à tout son ouvrage : qu'il fasse cent mille mondes, il n'en est pas plus grand; qu'il n'en fasse aucun, il ne l'est pas moins. Au dehors, le néant ou l'être lui est égal; et il est le maître ou de ne rien faire, ou de faire tout ce qui lui plaît. Que l'âme raisonnable puisse aussi faire d'elle-même, ou du corps qui lui est uni, ce qui lui plaît, c'est assurément un trait admirable, et une admirable participation de l'être divin. Je ne suis rien; mais parce qu'il a plu à Dieu de me faire à son image, et d'impri

1 Gen. II. 16. 17. -2 Ib. 111. 3.

31 Cor. xiv. 35.

mer dans mon fond une ressemblance, quoique foible, de son libre arbitre, je veux que ma main se lève, que mon bras s'étende, que ma tête, que mon corps se tourne; cela se fait je cesse de le vouloir, et je veux que tout se tourne d'un autre côté; cela se fait de même. Tout cela m'est indifférent; je suis aussi bien d'un côté que d'un autre ; et de tout cela il n'y en a aucune raison que ma volonté ; cela est, parce que je le veux ; et je le veux, parce que je le veux; et c'est là une dernière raison, parce que Dieu m'a voulu donner cette faculté; et quand même il y a quelque raison de me déterminer à l'un plutôt qu'à l'autre, si cette raison n'est pas pressante, et qu'il ne s'agisse pour moi que de quelque commodité plus ou moins grande, je puis aisément ou me la donner, ou ne me la donner pas; et je puis ou me donner ou m'ôter de grandes commodités, et, si je veux, des incommodités et des peines aussi grandes. Et tout cela, parce que je le peux; et Dieu a soumis cela à ma volonté; et je puis même user de ma liberté, jusqu'à me procurer à moi-même de grandes souffrances, jusqu'à m'exposer à la mort, jusqu'à me la donner; tant je suis maître de moi-même, par ce trait de la divine ressemblance, qu'on appelle le libre arbitre. Et si je rentre au dedans de moi, je puis appliquer mon intelligence à une infinité d'objets divers, et à l'un plutôt qu'à l'autre, et à tout successivement, à commencer par où je veux; et je puis cesser de le vouloir, et même vouloir le contraire, et d'une infinité d'actes de ma volonté, je puis faire ou celui-ci ou celui-là, sans qu'il y en ait d'autre raison, sinon que je le veux ; ou s'il y en a d'autre raison, je suis le maître de cette raison pour m'en servir ou ne m'en servir pas, ainsi que je le veux. Et par ce principe de libre arbitre, je suis capable de vertu et de mérite; et on m'impute à moi-même le bien que je fais; et la gloire m'en appartient.

Il est vrai que je puis aussi me détourner vers le mal, et mon œuvre m'est imputée à moi-même. Et je commets une faute dont je puis aussi me repentir ou ne me repentir pas; et ce repentir est une douleur bien différente des autres que je puis souffrir. Car je puis bien être fâché d'avoir la

fièvre, ou d'être aveugle, mais non pas me repentir de ces maux, lorsqu'ils me viennent malgré moi. Mais si je mens si je suis injuste ou médisant, et que j'en sois fâché, cette douleur est un repentir que je puis avoir et n'avoir pas : heureux, si je me repens du mal, ct que volontairement je persévère dans le bien.

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Voilà dans ma liberté un trait défectueux, qui est de pouvoir mal faire; ce trait ne me vient pas de Dieu, mais il me vient du néant dont je suis tiré. Dans ce défaut, je dégénère de Dieu qui m'a fait : car Dieu ne peut vouloir le mal; et le Psalmiste fui chante: « Vous êtes un Dieu qui ne voulez pas » l'iniquité ». Mon Dieu! voilà le défaut et le caractère de la créature! je ne suis pas une image et ressemblance parfaite de Dieu, je suis seulement fait à l'image : j'en ai quelque trait; mais parce que je suis, je n'ai pas tout et on m'a tourné à la ressemblance; mais je ne suis pas une ressemblance, puisqu'enfin je puis pécher. Je tombe dans le défaut par mille endroits, par l'imperfection, par la multiplicité, par la variabilité de mes actes; tout cela n'est pas en Dieu, et je dégénère par tous ces endroits; mais l'endroit où je dégénère le plus, le foible, et, pour ainsi dire, la honte de ma nature, c'est que je puisse pécher.

Dieu dans l'origine m'a donné un précepte; car il étoit juste que je sentisse que j'étois sujet. Je suis une créature à qui il convient d'être soumise ; je suis né libre, Dieu l'a voulu; mais ma liberté n'est pas une indépendance il me falloit une liberté sujette, ou si l'on aime mieux parler ainsi avec un Père de l'Église, une servitude libre sous un Seigneur souverain libera servitus; et c'est pourquoi il me falloit un précepte, pour me faire sentir que j'avois un maître. O Dieu ! le précepte aisé que vous m'avez donné d'abord! Parmi tant d'arbres et de fruits, étoit-ce une chose si difficile de m'abstenir d'un seul ? Mais vous vouliez seulement me faire sentir, par un joug aisé, et avec une main légère, que j'étois sous votre empire. O Dieu! après avoir secoué le joug, il est juste que je subisse celui des travaux, de la péni

1 Ps. v. 5.

tence et de la mort, que vous m'avez imposé. O Dieu ! vous êtes mon roi; faites-moi ce que vous voudrez par votre justice, mais n'oubliez pas vos miséricordes.

IV ÉLÉV. Sur l'arbre de la science du bien et du mal, et sur l'arbre de vie.

On peut entendre que « Dieu avoit produit de la terre, >> tout arbre beau à voir, et agréable au goût, et il avoit mis » aussi dans le milieu du paradis l'arbre de vie, et l'arbre » de la science du bien et du mal' ». Dieu pouvoit annexer aux plantes certaines vertus naturelles par rapport à nos corps ; et il est aisé à croire que le fruit de l'arbre de vie avoit la vertu de réparer le corps par un aliment si proportionné et si efficace, que jamais on ne seroit mort en s'en servant. Mais pour l'arbre de la science du bien ou du mal, comme c'étoit là un effet qui passoit la vertu naturelle d'un arbre, on pourroit dire que cet arbre a été ainsi appelé par l'événement, à cause que l'homme en usant de cet arbre contre le commandement de Dieu, a appris la malheureuse science qui lui fait discerner par expérience le mal que son infidélité lui attiroit, d'avec le bien où il avoit été créé, et qu'il devoit savoir uniquement s'il eût persévéré dans l'innocence.

On peut encore penser que la vertu de donner à l'homme la science du bien et du mal, étoit dans cet arbre une vertu surnaturelle, semblable à celle que Dieu a mise dans les sacrements, comme dans l'eau la vertu de régénérer l'intérieur de l'homme, et d'y répandre la vie de la grâce.

Quoi qu'il en soit, sans rechercher curieusement le secret de l'œuvre de Dieu, il me suffit de savoir que Dieu avoit défendu absolument et dès l'origine, l'usage de l'arbre de la science du bien et du mal, et non pas l'usage de l'arbre de vie. Voici ses paroles : Mangez du fruit de tous les arbres » du paradis, mais ne mangez point de celui de l'arbre de » la science du bien et du mal2 ». Il n'y avoit donc que ce seul fruit qui fût défendu, et celui de l'arbre de vie ne le fut qu'après le péché, conformément à cette parole: » Prenons

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2 Ibid. 1. 16. 17.

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