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de Dieu. Cette pauvre femme fuivit jufques fur une éminence, & long-temps aprés que nous fumes defcendus dans la plaine, nous l'apperçûmes encore de fort loin, qui battoit des mains, puis avec fon mouchoir qu'elle fecouoit en l'air, pour marquer fon affection, & les fouhaits qu'elle faifoit pour un heureux voïage,

Haffan vint m'accompagner jufqu'a la riviere de Caiffa, où parmi les marques d'une veritable tendreffe, il me confirma le deffein qu'il avoit de fe fauver dés qu'il en trouveroit l'occafion. Il ne fut pas long-temps à l'attendre ; car environ fix mois aprés que j'eus quitté les Arabes, & que je fus de retour à Seyde, l'Emir l'envoïa porter quelques dépêches au Pacha de Damas; ce Venitien qu'il avoit gardé auprés de lui à ma priere, le fuivit comme fon valet; mais au lieu de rapporter la réponse à l'Emir, il la lui envoïa par un Meffager exprés qu'il païa, & s'étant dé

guifés tous deux, en prenant l'habit des Chrétiens du païs, ils s'en allerent à * Baruth, où aprés avoir vendu leurs chevaux, ils s'embarquerent deux jours aprés fur un vaiffeau de Venife, qui les porta à l'ifle de Zante, comme des Marchands Grecs qui y avoient affaire; & là s'étant féparés, chacun s'en retourna en fon païs.

Ils ne vinrent point à Seyde comme je leur avois dit, en quoi ils furent heureux; car outre qu'il n'y avoit aucun navire prêt à repaffer en Europe, ils auroient perdu l'occafion de ce Venitien, dont le prompt départ ne leur laiffa du temps que ce qu'il leur en falloit pour s'embarquer.

Un Marchand de Damas qui fuivoit le Camp des Arabes, & qui vint à Seyde pour quelques achats, m'entretint de tout ce qui s'étoit paffé depuis mon départ ; il me dit que l'Emir ne douta point queHaf

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* Baruth, anciennement Beryte, ville maritime, fituée entre Seyde & Tripoly de Syrie.

fan ne fe fût fauvé avec fon valet, dés qu'il vit arriver le Meager, avec la réponse du Pacha de Damas; mais il ne fut pas autrement fâché de la perte d'un fi bon & fi fidelle domestique puifqu'il ne vouloit point mourir dans la Religion qu'il l'avoit forcé d'embraffer. Il n'y eut que la malheureuse Hyché qui ne s'en confola point, quelque foin que le Prince & la Princeffe priffent de divertir la profonde melancolie, où la fuite de fon mary l'avoit plongée : C'est affez dire pour faire connoître la violence & la fidelité de fon amour, qu'elle ne voulut plus ni manger, ni boire, ni dormir & qu'elle mourut de chagrin trois mois aprés, qu'elle paffa à pleurer nuit & jour la perte de fon époux : elle l'aimoit enfin avec tant de tendreffe, nonobftant l'impuissance fuppofée dont j'ai parlé, & qu'elle croïoit de bonne foi, qu'on l'entendit gemir. & foupirer depuis la nouvelle de fa fuite jufqu'au dernier moment de fa vie.

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Voila ce que j'ay veu, & tout ce qui s'eft paffé durant mon fejour chez les Arabes ; je n'ai pas voulu interrompre cette Relation par les Obfervations que j'y ay faites ; j'ai s refervé les particularités de leur gouvernement, de leurs coûtumes & de leurs manieres pour les Chapitres fuivans,où le Lecteur pourra remarquer plus utilement & avec plus de commodité', beaucoup de chofes, dont les Voyageurs ordinaires ne fçauroient inftruire le public, étant tres-mal ailé de penetrer les mœurs d'un peuple dont on évite toûjours la rencontre, bien loin de la rechercher ; je ne doute pas qu'on n'ait bien de la peine à croire qu'on puiffe trouver autant de justice & de bonne foi qu'il y en a parmi des gens, dont la profeffion ordinaire eft d'enlever le bien d'autrui, & d'être ce que nous appellons voleurs fur les grands chemins.

Fin du voïage au Camp du Grand Emir.

LES MOEURS

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LES COUTUMES

DES ARABES DU DESERT.

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