Bulle folemnelle où après la confirmation des biens & des priviléges déjà accordés à fes Prédéceffeurs par le Saint Siége, on reprend la substance de ce Canon, quoique la Bulle foit datée du premier Mars 1179, & que la premiere Seffion du Concile n'ait eu lieu que le 5. « Nous défendons, dit le Pape, » à tout Évêque ou Archidiacre & à toute autre perfonne Eccléfiaftique ou Séculiere d'exiger de vous ou extorquer » pour élection, bénédiction ou intronization d'Abbés, un palefroi ou toute autre chofe; car exiger dans ces occafions » ou payer quoi que ce foit comme dû de droit, est une véri» table fimonie. » Le faste des Eccléfiaftiques devoit être alors porté au dernier période, puisqu'il est ordonné par le quatrieme Canon du même Concile que les Archevêques dans leurs visites se contenteront de quarante à cinquante chevaux, les Évêques de vingt à trente, les Archidiacres de fept & les Doyens de deux. Ils étoient tellement à charge aux Abbayes, même dans le cours de leurs voyages, qu'elles leur demandoient quelquefois avant le départ un acte de non préjudice dans lefquels ils déclaroient qu'on les avoit reçus purement par honêteté fans y être obligé de droit. Plufieurs de ces actes m'ont paffé par les mains, & l'on verra plus bas l'Abbé Gautier implorer la protection du Saint Siége contre ces fortes d'exactions.

J'ai dit plus haut que l'on avoit donné à Gervais plufieurs Autels en Angleterre, & que ceux de Harewold & de Braefled furent cédés à l'Abbaye de Muffenden, dans lè Buckinghamshire en 1177. L'acte de cette ceffion fut probablement passé dans le Chapitre général de cette année, le feul auquel put préfider l'Abbé Jacques. Il ne la fit cependant que fous la réserve d'un cens de trente fous monoie Angloife, payable chaque année à l'Abbaye d'Arrouaife au jour de Saint Mathieu,

Q

(d) par le Député de Muffenden, ce qui prouve que cette Maison étoit de l'Ordre d'Arrouaife. On y rencontre parmi les témoins l'Abbé Lambert Prédéceffeur d'Évrard, Mathieu de Bouchavene, de la noble & ancienne Maifon de ce nom, Chanoine d'Arrouaife; Afchétille Prieur, & Adam Sous-Prieur de Muffenden; Osbert Abbé & Hémon Prieur de Parc; Raoul Chanoine de Dorceftre, & beaucoup d'autres Anglois.

1180.

GAUTIER

CHAPITRE IX.

Gautier.

AUTIER Auteur de la Préface historique de notre plus ancien Cartulaire, fouvent citée jufqu'à cette époque, étoit iffu d'une des premieres familles du Cambréfis. Il nous apprend lui-même qu'il fut élu pour fuccéder à l'Abbé Jacques, quatre jours après fa mort, par conféquent le 13 Janvier 1180. Je n'avois que vingt-cinq ans, écrit-il, j'étois le dernier de tous les Prêtres, lorfque par un jugement fecret de Dieu je fus placé pour mes péchés fur le Siége de nos Peres. Il eut un continuateur, pour l'histoire d'Arrouaise, jusqu'à l'année 1200. Celui-ci qui ne fe nomme pas, mais. qui ne peut être que Robert, Abbé d'Arrouaife en 1197, dit que Gautier fut élu d'une voix unanime. Il nous apprend auffi que cet Abbé avoit embrassé la vie religieufe dès l'âge de huit ans, & il le peint d'ailleurs comme un

(d) Sub annua penfione XXX folidorum Anglice monete in Festo Sandi Mathei perfolvendorum, nobifque per nuntium fuum tranfmittendorum. Fulbert avoit cédé en 1156, pour la même raifon d'éloignement, l'Autel de Wolenghem, à Walburge fœur de Nicolas Évêque de Cambrai (de qui il l'avoit reçu) & Abbeffe de Gillenghem dans le même Diocefe. Mais il s'étoit également réservé un cens annuel (de, X fous 】 payable au Synode de Cambrai, le jour de Saint Luc.

homme d'une naiffance relevée, d'un commerce aimable & de la plus grande pureté de mours.

Le nouveau Général débuta par demander à Alexandre III la confirmation d'une Bulle d'Adrien IV, obtenue autrefois par Fulbert pour empêcher que les Maifons de l'Ordre ne changeaffent d'Inftitut & que l'on ne tînt les Chapitres généraux ailleurs que dans la Maison mere &c. Le Saint Pere l'accorda & c'est le dernier monument de fon affection pour l'Ordre d'Arrouaife, qu'il avoit toujours fpécialement protégé. « Nous con» firmons, dit-il dans la Bulle qu'il fit expédier à ce sujet, » (a) la défenfe faite par Adrien notre Prédéceffeur d'heureuse » mémoire, à toute Maifon libre qui fe fera foumise à la » vôtre, de jamais s'en féparer. Nous confirmons l'obligation >> impofée à tous les Abbés d'affifter chaque année au Cha» pitre général dans l'Abbaye d'Arrouaife, de même que la » défense de le convoquer ou de s'affembler ailleurs fans le » confentement de l'Abbé général, & contre l'ancien ufage. L'exemple des deux Chapitres tenus à Aire & celui de quelques Maisons qui avoient quitté l'Ordre, comme Chéminon & Moûtier en Argaune, Diocefe de Châlons, faifoient craindre avec raison à Gautier, ou un femblable schisme ou une pareille désertion. J'ai déjà parlé de la Bulle (b) qu'il obtint en 1185,

(a) N°. IX. Elle eft datée de Viterbe 28 Juillet, & doit être de l'année 1180 ou 1181. On trouve dans le P. Hardouin (T. VI. P. 1862.) une réponse de ce Pontife à l'Évêque d'Amiens au fujet d'un Chanoine d'Arrouaife, qui ayant fui de fon Cloitre, étoit allé fe faire Moine. Alexandre veut qu'il demeure, fi le nouvel Ordre dans lequel il eft entré eft plus parfait que le premier; finon, qu'il retourne à celui-ci. (b) Datée de Vérone 14 Février 11. Elle contient l'énumération & la confirmation de prefque toutes les poffeffions de l'Abbaye d'Arrouaise. Voici le paffage qui regarde plus fpécialement le fpirituel. Lucius &c. Nullus etiam Archiepifcoporum vel Epifcoporum in vos vel Ecclefiam veftram fufpenfionis, excommunicationis feu interdici fententiam abfque manifesta & rationabili caufa promulgare, feu novis & indebitis exactionibus

de Lucius III, Succeffeur d'Alexandre, lorfque j'ai prouvé contre l'opinion commune que la Congrégation d'Arrouaife fut dès fon origine foumise immédiatement au Saint Siége; j'en donne à la marge un extrait dans lequel on poura remarquer auffi que le Souverain Pontife y rappelle le quatrieme Canon du Concile de Latran au fujet du faste des Prélats. Urbain III, Succeffeur de Lucius, ne protégea pas moins l'Abbaye & l'Ordre d'Arrouaife. Il accorda aux inftances de Gautier plufieurs Bulles fur différents fujets. Par l'une d'elles envoyée à tous les Archevêques & Évêques dans les Diocefes defquels fe trouvoient des Abbayes de l'Ordre, il leur enjoint de veiller à ce que les Abbés affiftent exactement aux Chapitres généraux, & même, s'il est néceffaire, il veut qu'ils les y contraignent par la voie des cenfures. Il défend par une autre conformément aux Décrets du Concile de Latran, à tous les Laïques qui poffédent des dimes dans les Paroiffes dont les Églifes appartiennent à l'Abbaye d'Arrouaise, d'en investir qui que ce foit excepté les Chanoines de cette Abbaye à qui elles doivent retourner de droit. Il en adreffa une troifieme à l'Archevêque

vos aggravare prefumat. In Parrochialibus autem Ecclefiis quas habetis liceat vobis quatuor aut tres ad minus de Canonicis veftris ponere, quorum unus Diocefano Epifcopo prefentetur ut ei curam animarum committat, ita quidem quod ei de fpiritualibus, vobis autem de temporalibus & de ordinis obfervantia debeat refpondere. Cum autem generale interdictum terre fuerit, liceat vobis claufis januis, exclufis excommunicatis & interdiétis, non pulfatis campanis, fuppreffa voce divina officia celebrare. Crifma verò, oleum fanétum, confecrationes altarium feu bafilicarum, ordinationes Clericorum qui ad facros ordines fuerint promovendi, à Diocefano fufcipietis Epifcopo, fiquidem Catolicus fuerit & gratiam Apoftolice fedis habuerit, & ea gratis & abfque pecunia vel exactione aliqua voluerit exhibere; alioquin ad quemcumque malueritis autiftitem recurratis qui noftra fultus auctoritate que poftulantur indulgeat. Pretereà nullus Epifcoporum vel Archidiaconorum feu & Decanorum in domibus veftris hofpitandi gratia exactiones vel alia quelibet nova gravamina facere contrà id quod in Lateranenfi Concilio nofcitur Inftitutum, aliqua temeritate preJumat, &c.

de Rheims, Cardinal de Sainte Sabine & Légat en France, (c) ainsi qu'à tous fes Suffragants, pour leur recommander l'Abbé & les Religieux d'Arrouaife, & il le fit dans des termes qui expriment fingulierement fon eftime & fon affection pour eux. Mais les témoignages les plus précieux qu'il en donna, font confignés dans deux Bulles folemnelles, l'une du 19 Avril, l'autre du 2 Juin 1186, toutes deux datées de Vérone. Il confirme par la premiere tous les priviléges accordés par ses Prédéceffeurs aux Abbés d'Arrouaife tant pour le fpirituel que pour le temporel. Il rappelle dans la feconde la Bulle d'Innocent II, de l'année 1139, & confirme spécialement quelques constitutions. (d) J'en ai déjà rapporté plufieurs, lorfque j'ai donné l'extrait du Livre de l'Ordre, & notamment du Chapitre 236. J'ai dit auffi qu'Urbain III changea la maniere de procéder à la dépofition des Abbés, dans les cas exprimés dans la Bulle d'Innocent II, d'après laquelle l'inftruction devoit se faire pardevant l'Évêque du coupable. En effet Urbain veut que ce foit l'Abbé d'Arrouaife qui préfide à ce jugement, affisté de quatre autres Abbés élus dans le Chapitre pour corriger les abus, c'est-à-dire de quatre Définiteurs. L'article qui concerne l'élection des Abbés eft la matiere du Chapitre 195 du Livre de l'Ordre, ainfi que des articles 18 & 21 de la Charte de Charité, comme je l'ai déjà observé. « Lorsqu'un Abbé de quel

qu'une de vos Églifes viendra à mourir, dit le Saint Pere, >> afin que l'Églife vacante ne fouffre point de dommage par » le défaut de chef, qu'elle foit foumife au gouvernement du

(c) C'étoit Guillaume de Champagne, dit aux Blanches Mains. Urbanus &c. Dilectos filios noftros Abbatem & Canonicos de Arroafia, univerfitati veftre tanto diligentius commendamus, quanto pro religione fua cariores illos habemus &c.

(d) N°. X.