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on éleve un inftant fon cœur à Dieu, on fe renouvelle pour la fuite de fes ocupations. Moins on a de tems, plus il importe de le ménager. Si on attend d'avoir à foi des heures réglées & commodes pour les remplir des chofes folides, on court rifque d'attendre longrems, furtout dans le genre de vie où vous êtes; mais il faut prendre tous les momens interrompus. Il n'en eft pas de la piété comme des affaires temporelles. Les affaires demandent des tems libres & réglés pour une aplication fuivie & longue; mais la piété n'a pas befoin de ces aplications fi longues, fi fortes & fi fuivies En un moment on peut rapeller la préfence de Dieu, l'aimer, l'adorer lui offrir ce que l'on fait, ou ce que l'on fouffre, & calmer devant lui toutes les agitations de fon cœur. Prenez donc le matin une demie heure, & autant l'après-midi, pour réparer les brêches que le monde fait: & dans le cours de la journée, fervez-vous de certaines pensées qui vous touchent le plus, , pour vous renouveller en la préfence de Dieu.

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L'autre chofe que vous avez à faire par raport à vous, c'eft de ne vous

pas

pas décourager, ni par l'expérience. de votre foibleffe, nipar le dégoût de la vie agitée que vous menez.

C'est une miféricorde de Dieu qui vous fait gémir de cette agitation; & le gémiffement eft le contre - poifon, qui empêche votre cœur d'être corrompu par la diffipation; c'eft pourquoi je ferois bien fâché que cette vie ceffât de vous déplaire. Vos gémissemens & votre dégoût me donnent une vraïe joie. Dieu vous fera mourir à vous-même par le dégoût du monde, s'il eft fincere, comme il fait mourir à euxmêmes d'autres perfonnes par la folitude, & par la privation de tout ce que le monde peut donner. Il n'eft queftion que d'être fidele, patient, & paifible dans la croix de l'état présent qu'on n'a point chofi, & que Dieu a donné felon fes deffeins.

Pour les fautes, elles font plus ameres à fuporter; mais elles fe tournent à bien, fi nous nous en fervons pour nous humilier, fans nous ralentir dans 'aplication à nous corriger. Le découragement ne remedieroit à rien; ce ne feroit qu'un défefpoir de l'amour propre dépité. Le vrai moïen de proGter de l'humiliation de nos fautes, eft

L

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de les voir dans toute leur laideur fans

perdre efpérance en Dieu, & fans efpérer jamais rien de foi-même. Perfonne n'a eu un plus preffant befoin d'être humilié par fes fautes que vous. Ce n'eft que par-là que Dieu écrafera votre orgueil, & confondra votre préfomptueufe vanité. Quand Dieu vous aura ôté toute reffource en vous-même, il bâtira fon édifice. Jufques-là, il foudroïera tout par vos par vos propres fautes; laiffez-le faire, travaillez humblement fans

Vous rien

promettre.

SUR LE RENONCEMENT à foi-même.

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I vous voulez bien comprendre ce que c'est que fe renoncer foi-même, vous n'avez qu'à vous fouvenir de la difficulté que vous fentîtes audedans de vous, & que vous témoignâtes fort naturellement, quand je difois de ne jamais compter pour rien ce moi, qui noùs eft fi cher. Se renoncer, eft fe compter pour rien; & quiconque en fent la difficulté, a déja compris en qui confifte ce renoncement, qui

révolte toute la nature. Puifque vous avez fenti le coup, il faut qu'il ait trouvé la plaïe de votre cœur. C'est à vous, à laiffer faire la main toute-puiffante de Dieu, qui fçaura bien vous arracher à vous-même.

Le fond de notre mal eft de nous aimer d'un amour aveugle qui va jufqu'à l'idolâtrie. Tout ce que nous aimons au dehors, nous ne l'aimons que pour nous. Il faut fe défabuser de toutes ces amitiés généreuses, où l'on paroît s'oublier, pour ne penfer plus. qu'aux intérêts des perfonnes aufquelles on s'attache. Quand on ne cherche pas un intérêt bas & groffier dans le commerce de l'amitié, on y recherche un autre intérêt, qui pour être plus délicat, plus caché, & plus honnête felon le monde, n'en eft que plus dangereux & plus capable de nous empoifonner, en nourriffant mieux l'amour propre.

On cherche donc dans ces amitiés, qui paroiffent, &.aux autres, & à nous-mêmes fi peu dangereufes, & fi défintéreffées, ce plaifir d'aimer fans intérêts, & de s'élever par ce fentiment noble au-deffus de tous les cœurs foibles, & attachés à des intérêts fordides. Outre ce témoignage qu'on veut

fe rendre à foi-même pour flater fon orgüeil, on cherche encore dans le monde la gloire du défintéressement, & de la générofité. On cherche à être aimé par les amis, quoiqu'on ne cherche pas à être fervi par eux. On efpe re qu'ils feront charmés de tout ce l'on fait pour eux fans retour fur foi; & par-la on trouve ce retour für foi, qu'on femble abandonner; car qu'y a-t-il de plus doux & de plus flateur pour un amour propre, fenfé & d'un goût délicat, que de fe voir aplaudi, jusqu'à ne paffer plus pour un amour propre.

que

On voit une perfonne qui paroît toute aux autres, & point à elle-mê me; qui fait fes délices des honnêtes gens, qui fe modere, qui femble s'ou blier. L'oubli de foi-même eft fi grand, que l'amour propre même veut l'imiter, & ne trouve point de gloire pareille à celle de ne paroître en chercher aucune. Cette modération & ce détachement de foi, qui feroit la mort de la nature, fi c'étoit un fentiment réel, & éfectif, devient au contraire l'aliment le plus fubtil, & le plus imperceptible d'un orgueil qui méprife tous les moïens ordinaires de s'élever

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