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foi s'écria, d'un ton de défefpoir: Que je fuis injufte! Que je fuis barbare! Quoi j'exige de ma fille plus que je ne puis obtenir de moi-même! Je veux qu'elle renonce à ce qu'elle aime! Quel eft fon malheur, ou plûtôt quel eft le mien! Ce qu'elle aime eft l'objet que j'adore, & je ne l'adore que pour porter à l'un & à l'autre, le poignard dans le fein. Roger part defefperé ; l'excès de fa paffion, que je n'ai que trop vû, ne me permet aucune efpéránce. En quel état affreux mon injustice nous plonge-t'elle tous les trois! Quoi! ne pourrai-je étouffer ma tendreffe, quand ma gloire, mon repos, celui de ma fille, l'impoffibilité d'être jamais heureufe, & le bonheur de ce que j'aime, m'en font voir la dure néceffité? Que dis-je ! La vertu de ma fille ne devroit-elle pas me

fuffire

pour rappeller la mienne? Ces combats donnerent quelque efpérance à Mademoiselle de Rocheville; elle ofa représenter à Madame de Rofoi l'excès de fon égarement, les victimes qu'elle lui immoloit, la honte dont il devoit la couvrir. Qu'efperez-vous, lui dit-elle, de cette malheureuse paffion? Tu me demandes ce que j'en efpere, répondit Madame de Rofoi? Hé! le fçaisje? Ou plûtôt, qu'en puis-je efpérer? Non, je n'en fçaurois recueillir qu'une confufion extrême, & des remords inutiles qui ne me quitteront jamais: ce que j'aime, ma fille, & moi, ferons tous malheureux. Cette fatale paffion chaffe, malgré moi, de mon cœur, les fentimens de la nature, & ceux du devoir; mais fi Roger, perfuadé du changement de ma fille, pouvoit l'oublier, je pourrois

pourrois alors, fans que Thibault ni fon fils me traverfaffent, & fans être foupçonnée d'avoir emploïé l'artifice, difpofer d'Alix ; je pourrois auffi toucher le cœur de Roger. Je l'ai vû quelquefois fe partager entre ma fille & moi: peut-être fans elle, le verrois-je dans ce moment à mes genoux ! Que cette idée me donne de haine pour ma Rivale! Et à quelle extrémité cette haine ne me porteroit-elle pas, fi Roger avoit pénétré ma paffion? Ah! ma chere Rocheville, ce feroit pour moi, le comble des malheurs! Oui! Alix me répondroit de l'horreur que je ferois à fon Amant.

Madame de Rofoi paffoit les jours & les muits, agitée de tous ces différens mouvemens. Deux. ou trois lettres de Mademoifelle de Rocheville, nous inftruifirent de la fituation violente où fe trouTome I.

M

voit Madame de Rofoi, & des craintes où elle étoit de ne plus me voir. Mon pere crut qu'il étoit de fa prudence de m'éloigner il prit fon parti, furtout quand il eut appris par Mademoifelle de Rocheville, que Madame de Rofoi ne fongeoit point à marier fitôt fa fille.

Ne voiant donc aucun rifque à m'éloigner, mon pere me dit: Je vais, mon fils, vous porter un Coup fenfible; je le fens comme vous mais je vous aime, Alixm'eft chere; je fçais que vous ne pourriez être heureux fans elle; votre tendreffe réciproque eft mon ouvrage : c'eft donc à moi à chercher les moïens qui pourroient un jour achever votre commun bonheur. Je veux vous éloigner de Madame de Rofoi ; c'est la feule voie qui nous refte. Les combats qu'elle éprouve, & les

remords dont elle est tourmentée, nous permettent quelque efpérance; il faut lui donner, contre vous, des armes, dont fa raifon, aidée des fages remontrances de notre prudente amie, pourra peut-être faire ufage. Partez, mon fils, retournez à la Cour; accordez à ma tendreffe cette abfence fi néceffaire pour votre bonheur, pour celui d'Alix, & pour mon repos. J'écrivis à cette charmante fille; elle approuva ce que mon pere exigeoit de moi, & peu de jours après je partis.

Raoul arrêta Roger en cet endroit de fon récit: Il faut, lui dit-il, que j'aie pour vous une amitié bien indulgente, non feulement pour vous avoir écouté fi long-tems, mais encore pour m'être fenti touché de tout ce que vous venez de m'apprendre. Pou vez-vous avoir gardé le filence

AV

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