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mouvement fuccéda la plus vive inquiétude Mademoiselle de Rofoi n'étoit point avec fa mere. Que vient faire ici cette artificieuse femme, me dis-je à moimême ? Quel eft fon deffein? Seroit-elle venue feule? Non; fa funefte & jaloufe paffion lui ordonne d'être elle-même la furveillante de fa fille. Mais pourquoi Mademoiselle de Rocheville ne m'a-t'elle pas inftruit de ce voiage précipité? Pourquoi mon pere me l'a-t'il laiffé ignorer ? L'auroit-il ignoré lui-même ? Mademoiselle de Rocheville ne feroit-elle plus dans mes interêts? Ce voïage, fi j'en avois été averti, me donnoit une heureufe occafion de me rendre Poffeffeur de Mademoiselle de Rofoi. Agité de toutes ces réflexions, je voulus fortir de chez la Reine; Madame de Rofoi me fit figne de l'attendre.

Vous êtes étonné de me voir dans ces lieux, me dit-elle en me présentant la main pour l'accompagner: je m'en étois éloignée à regret, pour complaire à un époux; j'y reviens,avec plaifir,comme dans ma véritable Patrie. Je ne fuis point étonné, Madame,lui repliquai-je, de vous voir où il vous convient fi bien d'être ; mais j'avoue que je fuis furpris de vous y voir fans Mademoiselle de Rofoi. Pourquoi, Madame, ajoutai-je, priver la Cour d'un fi bel ornement? Je crains trop, me répondit-elle, de vous affliger, pour vous apprendre ce qui l'empêche de paroître ici. Son obftination eft extrême; cependant je la forcerai à venir faire la révérence au Roi & aux Reines : vous l'y verrez. Je crains bien, Madame, repartis-je, de ne l'y voir jamais. Ce féjour, me repliqua-t'elle,

vous offre tant d'Objets aimables croïez-moi, Comte, vangez-vous de ma fille; oubliez-la. Mademoiselle de Rofoi, lui disje, peut ne jamais faire mon bonheur; mais jamais je ne cefferai de l'adorer. Madame de Rofoi rougit à ce difcours, baiffa les yeux, & ne me répondit rien. Un moment après, elle me dit d'un air affectueux; Je ne prétens pas que le caprice de ma fille, me prive du plaifir de vous voir; j'exigerai même d'elle, de ne pas vous fuir. Je ne viendrai pas demain à la Cour, ajoutat'elle, & vous ferez le maître de venir chez moi. Ce difcours nous mena jufques dans la Cour du Roi, où je la quittai fans lui répondre.

Je n'eus rien de fi preflé que de me retirer chez moi, pour y rêver en liberté, à ce nouvel événement;

j'en étois troublé, & cependant j'efpérois en tirer avantage. Mile de Rofoi, difois-je, n'eft donc plus entourée de ces murailles & de ces foffez inacceffibles. Je pourrai donc l'arracher à la perfécution de fa jalouse mere. Óüi ! cruelle, mécriois-je ; votre fatal égarement vous ôte la raison, jufqu'au point de venir vous-même me livrer votre fille ! Votre prudence enfin vous abandonne ! je fçaurai bien en profiter.

J'étois occupé de ces différentes idées, je cherchois déja les moïens de réuffir dans mes projets, lorfqu'on me rendit un Billet. Quelle fut ma joie, en reconnoiffant le caractere de Mademoiselle de Rocheville. Je l'ouvris avec précipitation; mais ce qu'il contenoit me porta un coup bien fenfible en voici à peu près les termes.

Vous avez déja vû, fans dou te, Madame de Rofoi à la Cour, où fa funeste paffion l'a conduite. Venez à Chelles, vous m'y verrez avec la malheureufe & tendre Alix ; mais venez-y dans ce moment, avec celui qui vous rendra ce Billet.

Que devinrent toutes mes efpérances, à la lecture de ces quatre mots? Ils renverferent en un moment tous mes projets,& ne me prouverent que trop, que la prévoïance de Madame de Rofoi étoit une fuite de fes artifices. Que je fus affligé, en apprenant que cette cruelle femme venoit de mettre entre fa fille & moi une nouvelle barriere encore plus affurée que le Château de Rofoi! Je partis, dans l'inftant, avec celui qui venoit de m'apporter une fi funefte nouvelle. Il me conduifit, par des fentiers détour

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