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doivent porter des cuillieres de bois, parce qu'on n'en trouve point le plus fouvent dans les endroits où ils s'arrêtent, finon il faut qu'ils faffent comme les autres : on ne fe fert point de coûteaux de table, la viande est toute coupée par petits morceaux : chacun met fon mouchoir fur fes genoux en guife de ferviette pour effuïer fes mains à la fin du repas, qu'on lave enfuite, avec du favon,

Perfonne ne parle pendant le repas, on n'y fert que de l'eau à boire, jamais de vin, à moins qu'on ne foit logé chés les Chrétiens,* fujets des Arabes, qui en font ap porter, dans des cruches, autant qu'il en faut pour mettre la compagnie en belle humeur; alors l'on chante & l'on rit, ce qu'on ne fait pas quand on n'a eu que de l'eau à boire: quand on a def fervi, le Cheikh fait apporter du café & du tabac on s'entretient ferieusement pendant la foirée, jufqu'à ce qu'on ait envie de

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. dormir. Dés que le Cheikh s'en apperçoit, il fe leve avec fes gens, donne le bon foir à fes hôtes, leur fouhaitant un bon repos, & les laiffe en liberté.

Le lendemain les chevaux aïant été panfés, le Cheikh vient donner le bon jour à fes hôtes, & leur fait apporter le déjeuné le déjeuné, tandis qu'on charge les hardes,& qu'on prépare tout ce qu'il faut pour partir. On fert encore du café & du tabac, aprés quoi on monte à cheval en remerciant l'hôte de fa bonne chere, & de fes honnêtetés. Le Cheikh les remercie de l'honneur qu'ils lui ont fait, les prie de le venir voir fouvent, leur demande pardon de ne leur avoir pas fait un meilleur traitement, & qu'il leur plaise de recevoir sa bonne volonté. Il les accompagne avec de femblables complimens, des prieres & des benedictions pour leur fanté & pour leur voïage, & les étrangers leur répondent, en élevant la voix à mesure qu'ils s'éloignents

Dieu vous donne une belle famille avec toute forte de biens & de profperité, & vous rende au centuple le bien que vous nous avez fait; c'eft de cette façon qu'ils fe feparent, & qu'ils prennent congé de leurs hôtes, fans leur rien donner: ce n'eft pas que fi les Etrangers vouloient faire quelque prefent au Cheikh, ou donner quelque gratification aux domeftiques, tout cela ne fût ben reçu. Les Européens qui reçoivent de pareils traitemens dans leurs voïages, ne manquent gueres d'en ufer ainfi ; mais ce n'eft pas la coûtume des Arabes de fe faire païer ce qu'ils donnent de bon cœur, & par un principe d'hofpitalité.

La plupart de ces Cheikhs font exemts de tous impôts, à cause de la dépenfe qu'ils font pour loger & pour nourrir les paffans: la communauté du village fouffre cela agreablement pour cette confideration. Les Orientaux en general, & les Mahometans fur tout reçoi

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vent avec plaifir tous ceux qui veulent manger à leur table. Il n'y a point de façon à faire pour cela; un Etranger qui aura faim, foit qu'il fe trouve à la campagne, ou qu'il paffe dans une ville, , peut s'affeoir, fans ceremonie, par tout où il verra des gens qui mangent, &

faire comme les autres, fans craindre d'être refufé, & fe retirer en difant feulement; Dieu vous le rende: cela fuffit pour toute forte de remercîment.

CHAPITRE V.

Des Mœurs des Arabes.

CE

Eux qui croïent faire en un mot le portrait d'un homme feroce, cruel & brutal, en difant que c'eft un Arabe, feroient bien détrompés s'ils voïoient par euxmêmes les verités qu'ils trouveront dans ce Chapitre & dans les fuivans. On donne auffi la qualité de Turc & de Barbare à ceux dont on veut

exprimer la cruauté, & les mauvaifes inclinations; cependant pour peu qu'on connoiffe les peuples de ce nom, on revient aifément de ces fauffes idées; on ne fe trompe jamais quand on reflechit on reflechit que le bien & le mal font le partage de toutes fortes de Nations: nous ne

par

fommes proprement diftingués les uns des autres, que par la Religion, les habits, par le langage, & par quelques manieres qui nous font particulieres en apparence, & qui au fonds n'aboutiffent qu'à la même fin. On reconnoît qu'elles font communes à tous, lorfqu'on y fait un peu d'attention. Rien ne nous paroît vrai, & nous ne pouvons rien goûter,quand nôtre ima gination eft prévenuë: la réputation qu'on donne aux chofes, en fait fouvent le prix,& à moins qu'on ne les regardé avec des yeux indifferens, il eft impoffible d'en juger fainement.

Je laiffe tout ce que j'aurois à dire fur les mœurs des Turcs & des

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