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cette fimplicité merveilleufe ne convient point aux ames qui ne font point encore purifiées par une folide péniten ce; car elle ne peut être que le fruit.du détachement total de foi-inême, & d'un amour pour Dieu fans réferve; mais on y parvient peu à peu. Et quoique les ames qui ont befoin de pénitence pour s'arracher aux vanités du monde, doivent faire beaucoup de réfléxions fur. elles-mêmes, je crois néanmoins, que felon les ouvertures que la grace donne, il faut les empêcher de tomber dans une certaine ocupation exceffive, & inquiéte d'elles-mêmes, qui les gênent, qui les troublent, qui les embaraffent, & qui les retardent dans leurs courses. Elles font envelopées, comme un voïageur qui feroit envelopé de tant de manteaux l'un fur l'autre, qu'il ne pour roit marcher. Les trop grands retours fur foi produifent,dans les ames foibles, la fuperftition & le fcrupule, qui font pernicieux; & dans les ames qui font naturellement fortes, une fageffe préfomptueule, qui eft incompatible avec l'Esprit de Dieu. Tout cela eft contraire à la fimplicité, qui eft libre, droite & généreufe, jufqu'à s'oublier prefque elle-même, pour fe livrer à Dieu fans

réserve.

O que les démarches d'une ame délivrée de ces retours, bas & inquiets font nobles, qu'elles font grandes, qu'elles font hardies!

Si un homme veut que fon ami foit fimple & libre avec lui, en forte qu'il femble s'oublier lui-même dans ce commerce d'amitié, à combien plus forte raison Dieu qui eft le vrai ami, veut-il que l'ame foit prefque fans retour, fans inquiétudes, fans gêne, fans réferve dans cette douce & intime familiarité qu'il lui prépare.

C'eft cette fimplicité qui fait la perfection des vrais enfans de Dieu; c'eft le but auquel on doit tendre, & auquel on doit fe laiffer conduire. Le grand obftacle à cette bienheureufe fimplicité, eft la fauffe fageffe du fiècle, qui ne veut confier rien à Dieu; qui veut tout faire par fon induftrie, tout arranger pour elle-même, & fe mirer fans ceffe dans fes ouvrages. Cette fageffe 1. Cor. 11. 3. eft une folie, felon faint Paul; & la vraie fageffe qui confifte à fe livrer à l'efprit de Dieu fans retours inquiets fur foi, eft une folie aux yeux des infenfés mondains.

Quand un Chrétien n'eft pas encore pleinement converti, il faut fans ceffe

lui demander d'être fage; quand il eft pleinement converti, il faut commencer à craindre qu'il ne foit trop fage; il faut lui infpirer cette fageffe fobre & Rom. XII. 3. tempérée, dont parle faint Paul; enfin s'il veut s'avancer vers Dieu, il faut qu'il fe perde pour fe retrouver, il faut dompter cette fageffe propre qui fert d'apui à la nature défiante; il faut avaler le calice amer de la folie de la croix, qui tient lieu de martyre aux ames généreufes qui ne font point deftinées à répandre leur fang, comme les premiers Chrétiens.

Le retranchement des retours inquiets & intéreffés fur foi, met l'ame dans une paix & dans une liberté inexplicable; c'eft la vraie fimplicité. Il eft aifé de voir de loin qu'elle doit être merveilleufe; mais la feule expérience peut montrer quelle largeur de cœur elle donne. On eft comme un petit enfant dans le fein de fa mere; on ne veut plus, & on ne craint plus rien pour foi en ce monde. On fe laiffe tourner en tout fens avec cette pureté de cœur. On ne fe met plus en peine de ce que les autres croiront de nous, fi ce n'eft qu'on évite par charité de les fcandalifer. On fait dans le moment toutes les actions, le mieux qu'on peut,

avec une attention douce, libre, gaïe, & on s'abandonne pour le fuccès. On ne fe juge plus foi-même, & on ne craint point d'être jugé, comme faint 1. Cor. IV. 3. Paul le dit lui-même.

· Tendons donc à cette aimable fimplicité; qu'il nous refte du chemin pour y parvenir. Plus nous en fommes éloignés, plus il nous faut hâter pour avancer à grands pas vers elle. Bien loin d'ê-tre fimples, la plupart des Chrétiens ne font point finceres. Ils font nonfeulement compofés, mais faux & diffimulés avec le prochain, & avec euxmêmes. Mille petits détours, mille inventions pour donner indirectement des contorfions à la vérité. Hélas! tout pr. CXV. 11. homme eft menteur; ceux-mêmes qui font naturellement droits, finceres, ingenus, & qui ont ce qui s'apelle un naturel fimple & aifé en tout, ne laiffent pas d'avoir une aplication délicate & jaloufe fur eux-mêmes, qui nourrit fecretement l'orgueil, & empêche la vraie fimplicité.

Mais, dira-t-on, comment pourrai je m'empêcher d'être ocupé de moi ? c'eft une foule de retours fur moi-même, qui m'inquiétent, qui me tyran nifent, & qui me caufent une très-viye fenfibilité. Piij

Je ne demande que ce qui eft volontaire. Ne foiez jamais volontairement dans les retours inquiets & jaloux, cela fuffira; votre fidélité à y renoncer toutes les fois que vous les

apercevrez, vous en délivrera peu à peu; mais n'allez pas attaquer de fond ces penfées, ne cherchez point querelle en vous opiniâtrant pour les combattre, vous les irriteriez.

Un éfort continu, pour repouffer les penfées qui nous ocupent trop vivement de nous, & de nos intérêts, feroit une ocupation de nous-mêmes continuelle, qui nous diftrairoit de la présence de Dieu, & des devoirs qu'il nous veut faire acomplir.

Le principal eft d'avoir fincerement abandonné entre les mains de Dieu tous nos intérêts, de plaisirs, de commodités, de réputation. Quiconque met tout au pis aller, & qui accepte fans réferve tout ce que Dieu peut lui donner dans ce monde d'humiliation, de peines, & de preuves, foit au-dehors, Toit au-dedans, commence à s'endurcir contre foi-même ; il ne craint point de n'être pas aprouvé, & de ne pouvoir é viter la critique des hommes; il n'a plus de délicateffe; & s'il en a une in

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