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volontaire, il la méprife, & la gourmande; il la traite fi rudement pour n'y avoir aucun égard, qu'elle diminue

bien-tôt.

Cet état de paix, d'acceptation, & d'aquiefcement perpetuel, fait la vraïe liberté ; & cette liberté produit la fimplicité parfaite.

Une ame qui ne fe foucie point d'elle avec trop d'inquiétude, n'a plus que de la candeur, elle va tout droit fans s'embaraffer; la voie va toujours s'élargiffant à l'infini, à mesure que fon renoncement & fon oubli d'elle-même s'augmente > fa paix eft profonde comme ales abîmes de la mer au milieu de fès -peines.

Mais tandis qu'on tient encore trop à foi, on est toujours gêné, incertain envelopé dans les retours de l'amour propre. Heureux celui qui n'est plus à foi, mais à Dieu!

J'ai déja remarqué qué le monde eft de même goût que Dieu , pour s'acommoder d'une noble fimplicité qui s'ou

blie elle-même.

Le monde goûte dans fes enfans corrompus comme lui, les manieres libres & aifées, d'une perfonne qui ne paroît point ocupée de foi; c'eft qu'en

éfet, rien n'eft plus grand que de fe perdre de vûë foi - même pour Dieu, & pour fe confidérer en lui.

Mais cette fimplicité eft déplacée dans les enfans du fiécle; car ils ne font diftraits d'eux-mêmes, qu'à force d'être entraînés par des objets encore plus

vains.

Cependant cette fimplicité, qui n'eft qu'une fauffe image de la véritable, ne laiffe pas d'en repréfenter la grandeur.

Ceux qui ne peuvent trouver le corps courent après l'ombre; & cette ombre, toute ombre qu'elle eft, les charme, parce qu'elle reffemble un peu à la vérité qu'ils ont perdue. Voilà ce qui fait le charme de la fimplicité, lors même qu'elle eft hors de fa place.

Une perfonne pleine de défauts, qui n'en veut cacher aucuns ; qui ne cherche jamais à éblouir, qui n'affecte jamais ni talens, ni vertu, ni bonne grace; qui paroît ne fonger pas plus à elle-même qu'à autrui qui femble avoir perdu le moi, dont on eft fi jaloux, & qui eft comme étrangere à l'égard de foi-même; eft une perfonne qui plaît infiniment malgré fes défauts. C'est que l'homme eft charmé par l'i mage d'un fi grand bien. Cette faufse

fimplicité eft prife pour la véritable. Au contraire, une perfonne pleine de talens, de vertus aquifes, & de graces extérieures, fi elle eft trop compofée; fi elle paroît toujours attentive à ellemême, fi elle affecte les meilleures chofes, c'est une perfonne dégoûtanennuïeufe, & contre laquelle cha

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cun fe révolte.

Rien n'eft donc ni meilleur, ni plus grand que d'être fimple; c'est-à-dire, jamais ocupé de foi fans néceffité. Les créatures à quelque point qu'elles nous mettent, ne nous font jamais véritable ment fimples.

On peut par naturel être moins jaloux fur certains honneurs, & ne se gêner point dans fes actions par cer taines réfléxions fubtiles & inquiétes ; mais enfin on ne cherche les créatures que pour foi, & on ne s'y oublie ja→ mais véritablement foi-même ; car on ne s'y attache que pour en jouir, c'est à-dire, les raporter à foi.

Mais, dira-t-on, faudra-t-il ne fonger jamais à foi, ni à aucune des chofes qui nous intéreffent, & ne parler jamais de nous ? Non, non; il ne faut point le mettre dans cette gêne; en voulant être fimple, on s'éloigneroit

de la fimplicité, en s'attachant fcrupuleufement à la pratique de ne jamais parler de foi, par la crainte de s'en ocuper, & d'en dire quelques paroles.

Que faut-il donc faire ? Ne rien fai re de réglé là-deffus, mais fe contenter de n'affecter rien. Quand on a envie de parler de foi, par une recherche de foi-même, il n'y a qu'à méprifer cette vaine démangeaifon, en s'ocupant fimplement, ou de Dieu, ou des chofes qu'il veut qu'on faffe.

Ainfi, la fimplicité confifte à n'avoir point de mauvaises hontes, ni de fauffes modefties, non plus que de complaifan ces vaines, & d'attention fur foi-même. Quand la pensée vient d'en parler par vanité il n'y a qu'à laiffer tomber tout court ce vain retour fur foi-même. Quand au contraire, on a la penfér d'en parler pour quelque befoin, c'eft alors qu'il ne faut point trop point trop raifonner; il n'y a qu'à aller droit au but. Mais que penfera-t-on de moi? On croira que je me vante fortement; mais je me rendrai fufpect en parlant librement fur mon propre intérêt. Toutes ces réfléxions inquiétes ne méritent pas de nous ocuper un feul moment; parlons géné reulement & fimplement de nous com

me d'autrui, quand il en eft queftion: c'eft ainfi que faint Paul parle fouvent de lui dans fes Epîtres; pour fa naiffance il déclare qu'il eft Citoïen Romain, il en fait valoir les droits, jufqu'à faire peur à fon juge. Il dit qu'il n'a rien fait de moins que les plus grands d'entre les Apôtres; qu'il n'a rien apris d'eux pour la doctrine, ni rien reçû pour le miniftere; qu'il a plus travaillé & plus foufert qu'eux; qu'il a réfifté en face à faint Pierre, parce qu'il étoit répréhenfible; qu'il a été ràvi jufqu'au troifiéme Ciel; qu'il n'a rien à fe reprocher dans fa confcience; qu'il eft un vase d'élection pour éclairer les Gentils; enfin il dit aux Fideles; foyez mes imitateurs, 1. Cor. XI. comme je le fuis de JESUS-CHRIST.

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Qu'il y a de grandeur a parler ainsi fimplement de foi ! Saint Paul en dit les chofes les plus hautes, fans en paroître ni ému, ni ocupé de lui. Il fe raconte comme on raconteroit une hiftoire depuis deux mille ans. Tous ne doivent pas entreprendre de dire & de faire de même; mais ce qu'on eft obligé de dire de foi, il faut le dire fimplement. Tout le monde ne peut pas atteindre à cette fublime fimplicité, & il faut bien fe garder d'y vouloir atteine

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