Joan. XVII. .5.6. parons-nous à mourir à notre tour: O aimable Sauveur, qui après nous 1 à vous, & vous ferez aufli tout à moi, pourvû que le dernier foupir de ma vie foit un foupir d'amour pour vous, & qu'ainfi la nature fe perde dans la gra ce. I I Je vous ai fait atendre fi long-tems, Seigneur, lorfque vous ne demandiez qu'à me guérir; qu'il eft bien jufte que vous ne me guériffiez pas fi promptement lorfque je vous en fuplie. Faites atendre cet ingrat, qui a eu la témérité & la présomption de vous faire atendre; mais ne l'abandonnez pas. Ce n'eft point à moi à vous preferire un tems pour me guérir: faites-moi feulement la grace d'implorer continuellement votre fecours, en tremblant fous: le poids de votre juftice;& efpérant dans la grandeur de votre miféricorde; & cela me fufit, ô mon Dieu ! Vous êtes plus fort que l'homme; fléchiffez ma volonté par votre efprit. Faites-moi la grace que je ne vous réfifte plus, afin que je fois victorieux de moi-même ; & je le ferai en même tems de tous mes ennemis : car je les furmonte toujours quand je me furmonte par votre fainte humilité, qui m'éleve au-deffus de moi-même. Que je ne difere dons plus de me convertir entierement, & de me jetter entre vos bras, où je trouverai mon falut & mon repos : celui qu'on trouve par tout ailleurs n'étant pas un repos, mais une peine & un fuplice. Que je me connoiffe, afin que je défefpere de moi-même : mais que je vous connoiffe, Seigneur en mêmetems, afin que j'efpere en vous. O Seigneur ! que je ne me voïe pas fans vous voir; car la vûë d'un objet fi horrible me feroit mourir fi elle n'étoit tempé rée par quelque vûë de l'objet qui me. fait vivre, & qui eft la vie. Ne laiffez pas la mort fans la vie, ô vie éternelle! afin que quand je viendrai à mourir, la mort fe trouve abîmée dans la vie, & qu'étant parfaitement guéri je fois parfaitement uni à vous. Amen. III. J'ai commencé d'être malade, Seigneur, quand j'ai commencé d'avoir de la raifon;parce que je ne l'ai pas emploïée pour vous fervir. Le malade de la Pifcine n'avoit point d'homme qui l'affiftât, & je n'en ai point; car mes maladies font telles, qu'il me faut un Dicu pour les guérir. Il n'y a que vous, Seigneur, qui puiffiez remuer le fond de mon cœur pour me fauver. Ce pauvre homme ne pouvoit defcendre le premier dans la Pifcine, & les autres le prévenoient. Hélas, ce n'eft pas là ce qui me manque, & ce qui méloigne de la fanté ! Plût à Dieu que ce fût ma joïe de me voir tout le dernier dans votre Pifcine! Plût à Dieu que je fuffe bien-aife d'y voir tous mes freres avant moi, ômon Sauveur ! Car ce n'est pas celui qui veut y être le premier, mais celui qui défire y être le dernier, qui eft guéri: ce font les derniers qui font les plus parfaitement guéris dans la Pifcine de l'Evangile. O qu'il m'eft aifé d'être le dernier ! Ouvrez-moi les yeux, Seigneur, & je le fuis. Que j'ai bien mérité ce rang par mes péchés ! Hélas, Seigneur, nos ennemis mêmes contribuent à notre fanté, tout le monde confpire à nous rendre les derniers : il n'y a que nous qui foïons contraires à notre bonheur. O Seigneur, faites-moi la grace d'être humble, & je fuis guéri: donnez-moi cette grande vertu, & faites de moi ce qu'il vous plaira. N'étant pas humble, vos biens me deviennent des maux :. les mais fi vous me rendez humble, plus grands maux me deviendront les plus grands biens. Seigneur, donnezmoi des yeux, afin que je me voïe, & que je reconnoiffe dans quels précipices je m'engage quand je me confie en moi-même. Donnez-moi la fageffe de vos enfans, qui confifte à fe défier toujours d'eux-mêmes, & à ne se défier jamais de vous; à n'efpérer rien de foimême, & à efpérer tout de vous. IV. O Seigneur, qui reffufcitâtes l'enfant de la veuve de Naïm lorfqu'on le portoit en terre, reffufcitez moi avant qu'on m'enferme dans le tombeau ; car je fens qu'on m'y emporte. Ce font mes paffions qui m'y entraînent, & qui m'ont lié comme je fuis: ce font mes ennemis invifibles qui m'ont creufé un fépulchre, & qui fe hâtent de m'y jeter. Secourez - moi, Seigneur ; ils m'y portent tout en vie, (fi c'eft vivre que de vivre dans cet état, & de vivre comme je vis. ) Hâtez-vous, mon Sauveur; car je vois le précipice qu'ils me deftinent pour me fervir de fépulchre.Hélas, j'en fuis tout proche, & ils n'ont plus que |