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fonté que celle de Dieu, qui devient la leur. Alors les hommes ne peuvent plus rien fur nous; car ils ne peuvent plus nous prendre par nos défurs, ni par nos craintes: alors nous voulons tout, & nous ne voulons rien; c'est être inacceffible à l'ennemi ; c'eft devenir invulnérable. L'homme ne peut que ce que Dieu lui donne de pouvoir & de volonté de faire contre nous, & tout ce que Dieu lui donne de pouvoir & de volonté de faire contre nous étant la volonté de Dieu, eft auffi la nôtre. En cet état on a mis fon tréfor fi haut que nulle main ne peut y ateindre pour nous le ravir. On déchirera notre réputation, mais nous y confentons; car nous fçavons, combien il eft bon d'être humilié, quand Dieu humilie. On trouve du mécompte dans les amitiés tant mieux c'eft le feul véritable ami qui eft jaloux de tous les autres, & qui nous en détache pour purifier nos atachemens. On eft importuné, affujéti, gêné; mais Dieu le fait, & c'eft affez; on aime la main qui écrafe, & la paix fe trouve dans toutes ces peines : heureuse paix qui nous fuit jufqu'à la croix ! On veut ce que l'on a, & l'on ne veut rien de ce que l'on n'a pas. Plus ces

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abandon eft parfait, plus la paix eft profonde: s'il refte quelques ataches & quelque défir, la paix n'eft qu'à demi ; fi tous liens étoient rompus, la liberté feroit fans bornes. Que l'oprobre, la douleur, & la mort viennent fondre fur moi, j'entends JESUS-CHRIST qui me dit: Ne craignez point ceux qui tuent le corps, & qui enfuite ne peuvent plus rien. O qu'ils font foibles, lors même qu'ils ôtent la vie ! que leur puiffance eft courte ! Ils ne peuvent que

brifer un pot de terre, que faire mourir ce qui de foi-même meurt tous les jours; qu'avancer un peu cette mort qui eft une délivrance; après quoi on échape de leurs mains dans le fein de Dieu, où tout eft tranquile & inaltérable.

Il faut porter la croix avec JESUSCHRIST dans cette courte vie; bientôt nous n'aurons plus le tems de foufrir; ce fera celui de régner avec un Dieu confolateur, qui aura effuïé nos larmes de fa propre main, & devant qui les douleurs & les gémiffemens s'enfuïeront à jamais. Pendant qu'il nous refte encore ce moment fi court & fi léger des épreuves, ne perdons rien du prix de la Croix, foufrons humble

ment & en paix. L'amour propre nous éxagere nos peines, & les groffit dans notre imagination; une croix portée fimplement fans ces retours d'un amour propre, ingénieux à les augmenter, n'eft qu'une demie croix. Quand on foufre dans cette fimplicité d'amour, non-feulement on eft heureux malgré la croix, mais encore l'on eft heureux par elle; car l'amour fe plaît à foufrir pour le bien-aimé, & la croix qui rend conforme au bien-aimé, eft un lien d'amour qui confole.

Nous ne fommes fur la terre que pour foufrir; malheur à ceux qui ont Luc. VI. 24 leur confolation en ce monde ; ils ne l'auront point dans l'autre. Cette vie n'est qu'un tems de tentation & d'épreuves. pour nous corriger, pour nous purifier, pour nous détacher. Quand nous n'aurons plus à foufrir, nous n'aurons plus à vivre, comme l'on fait fortir un malade de l'Hôpital dès qu'il eft guéri ; ce n'eft que par la foufrance que notre guérifon s'opere.

Il ne faut fonger aux perfonnes qui nous font de la peine, que pour leur pardonner. Il faut voir en elles Dieu qui s'en fert pour éxercer notre humi

Gal. V. 24.

lité, notre patience, notre amour pour la croix. On verra un jour devant Dieu, combien les perfonnes qui nous crucifient nous font utiles, en nous atachant fur la Croix avec JESUS-CHRIST. La peine qu'elles caufent, paffera bientôt, & le fruit qui en reviendra, fera éternel.

Dans la foufrance il n'y a qu'à fe taire, & à foufrir. Dieu voit notre foufrance & notre foumiffion. Heureuse l'ame que Dieu abat, que Dieu écrase; à qui il ôte toute force en elle-même pour ne fe plus foutenir qu'en lui feul; qui voit fa pauvreté, qui en eft contente; qui porte outre toutes les croix du dehors, les grandes croix intérieures, fans lefquelles toutes les autres ne peferoient rien.

Ceux qui font à JESUS CHRIST, ont crucifié leur chair avec leurs vices & leurs convoitifes. Plus nous craignons les croix, plus il faut conclure que nous en avons befoin. Ne nous abatons pas lorfque la main de Dieu nous en impofe de pefantes. Nous devons juger de la grandeur de nos maux, par la violence des remedes que le Medecin fpirituel y aplique. Il faut que nous foions

bien

bien miférables, & que Dieu foit bien miféricordieux, puifque malgré la dificulté de notre converfion, il daigne s'apliquer à nous guérir. Tirons de nos croix mêmes une fource d'amour, de confolation & de confiance, difant a

:

vec l'Apôtre Nos peines qui font fi II. Cor. IV, courtes & filégeres, n'ont point de pro- 17. portion avec ce poids infini de gloire qui en doit être la récompenfe. Heureux ceux qui pleurent, & qui fement en verfant des larmes, puifqu'ils recueilleront avec une joïe inéfable la moiffon d'une vie d'une félicité éternelle.

Je fuis ataché à la croix avec JESUS- Gal. II. CHRIST, difoit faint Paul. C'estavec le Sauveur que nous fommes atachés à la croix, & c'est lui qui nous y atache par fa grace. C'eft à caufe de JESUS que nous ne voulons point quiter la croix, parce qu'il eft inféparable d'elle O corps adorable & foufrant, avec qui nous ne faifons plus qu'une feule & même victime! En me donnant votre croix, donnez-moi votre efprit d'amour & d'abandon. Faites que je penfe moins à mes foufrances, qu'au bonheur de foufrir avec vous. Qu'est-ce que je foufre vous n'aïez foufert!

que

Bb

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