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Elle craint un Amant, & panche vers l'a

mour;

Elle croit qu'une femme aimable & vertueuse, Sans le refpect public ne faurait être heureuse; Et qu'au préjugé même exacte à s'affervir, Pour le pouvoir blâmer, s'y doit afsujettir. Voilà le vrai motif de fa prudence extrême ; Elle a le cœur fenfible, & fe craint elle-même; Plus un homme à fes yeux mérite d'être aimé,

Plus la froideur fuccéde au penchant réprimé, Et cet air dédaigneux qui paraît vous furpren

dre,

Vient d'un efprit timide, & d'une ame trop tendre.

Il ajoute que Cidalife n'a pas le moindre penchant pour lui, quelque tendreffe qu'il ait pour elle; il confeille à fon ami de quitter la Comteffe, dont l'efprit ne peut s'accorder avec la façon de penfer d'un homme raisonnable, & de s'attacher à Cidalife, dont le caractere fenfé pourrait le rendre heureux. Dorante lui répond qu'il ne peut être fenfible que pour la Comteffe, & qu'il ne peut plus lui diffimuler fon amour. Clitandre lui confeille de s'en

bien garder, & l'affure que ce n'est que par une indifférence feinte, qu'il en pourra obtenir un retour réel. Il lui confeille fur-tout de ne point dîner chez elle ce jour-là, quoiqu'il s'y foit engagé. Dorante fent la folidité des confeils de Clitandre, & promet de les fuivre. Ce dernier fort, & Lifette, femme-de-chambre de la Comteffe vient avertir Dorante qu'un de fes gens demande à lui parler. Dorante interroge cette Suivante, qui lui répond que le caractere de fa Maîtreffe change de jour en jour depuis qu'il vient chez elle; que fa coquetterie diminue, & qu'elle devient penfive & férieufe; elle lui en fait des reproches, parce qu'elle le regarde comme auteur de ce changement, & voyant, venir fon Laquais, elle fort. S

Ce Laquais eft M. Carmin, Peintre en miniature, qui a pris un habit à la livrée de Dorante, pour s'introduire dans la maifon de la Comteffe fans être reconnu. Il promet à Dorante de faire, fans être apperçu, le portrait de celle qu'il aime. Il lui vante fon talent & fa promptitude, & l'affure qu'il a fait la veille à l'Opéra, un portrait très-reffemblant, pendant la seule

durée de ce spectacle. Dorante fort en le priant fur-tout de ne fe point laisser découvrir; & Carmin fe cache dans un coin, où il eft appuyé fur une petite table; il voit venir Cidalife, & Lifette, il prend mal-à-propos cette premiere pour la maîtreffe de la maifon, celle dont on lui a demandé le portrait; & il y travaille pendant que Cidalife & Lifette parlent enfemble. Lorfqu'il trouve fon ouvrage affez avancé pour le pouvoir achever fans le fecours de l'original, il fort: cette scène peut bien n'être pas tout à fait dans la vraisemblance, mais on la pardonne pour le plaifir qu'elle caufe, & la néceffité dont elle eft.

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-La Comteffey fuivie de Damis, Petit maître de robe, vient prier Cidalife de prêter fa falle, dans laquelle Damis veut cette même nuit donner un bal à la Comteffe. Cidalife la promet & fe retire. Damis parle avec la Comteffe de l'amour refpectueux de Dorante, dont il s'eft apperça, & fur lequel il fait des plaifanteries. La Comteffe en doute encore; mais elle promet à Damis de s'affurer du fait, en excitant la jaloufie de Dorahte pendant le dînery, où elle fe promet de marquer

des préférences à tout autre qu'à lui. Dorante arrive: la Comteffe veut le plaifanter, il y répond froidement, & refufe net de dîner avec elle, ce qui la fâche, ce qui lui fait échapper quelques traits de mauvaife humeur, qu'elle réprime par le confeil de Damis; Dorante pour fuivre ceux que fon ami lui a donnés, répond d'abord cavaliérement à tout ce que lui dit la Comteffe. Elle le preffe & il fe défend ainfi :

Je vous fuis attaché; mais parlons franche

ment;

Pour fuivre votre char j'ai trop peu d'agré

ment,

Je n'ai point un efprit d'éclairs & de faillies,
Je ne débire point de ces fadeurs jolies,
Qui forment l'homme aimable, & j'ignore cet

art

De fe faire écouter, en parlant par hasard.
Je n'obferve jamais quelle mode circule;
Je ne fens point le prix d'un nouveau ridi-
cule;

Et de la beauté même attaquant les abus,
Je me borne à louer feulement les vertus.
Madame, c'est par-là que je vous confidere ;
Mais on parle chez vous une langue étrangere,

Et me taifant toujours fans comprendre un feul

mot,

J'y fournis le portrait d'un sauvage & d'un fot.

Il vante enfuite fon indifférénce. La Comteffe, piquée de fon langage, cherche à le piquer à fon tour, & lui confie qu'un Amant à fçu lui infpirer de l'amour, & elle lui apprend qu'elle fe remarie. Dorante lui demande le nom de cet heureux mortel; la Comteffe au hafard nomme Damon; Dorante approuve ce choix, & la Comteffe en fent un vif dépit; mais ce Damon vient & eft annoncé par Lifette, qui dit à sa Maîtreffe qu'il vient pour lui parler de fon mariage. Cette équivoque fait croire à Dorante que la Comteffe ne lui a que trop dit la vérité; il ne peut contenir le vif chagrin que cette crainte lui fait reffentir, & la Comteffe qui s'en apperçoit, & qui triomphe, le preffe, l'invite de dîner avec Damon. Dorante qui n'y peut plus tenir, fort en affurant qu'il ne manquera pas d'aller dîner chez fon ami, chaque fois que ce Damon viendra dîner chez elle; & le premier acte finit par cette fcène vraiment théâtrale, & vivement dialoguée.

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