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que

me complairai dans les arrangemens que fait mon efprit, & je craindrai le monde n'ait une affez haute idée de ma capacité ? Non, non ; je ferai de ces heureux enfans qui perdenttout pour tout gagner, qui ne se soucient plus de rien, excepté leur falut, qui comptent pour rien qu'on les méprife, & qu'on ne daigne point fe fier à leur difcernement. Le monde fera grand tant qu'il lui plaira. Les gens de bien mêmes, à bonne intention, & par le zéle des bonnes œuvres, croîtront chaque jour en prudence, en prévoïance, en mefures, en éclat de vertu; pour moi, tout mon plaifir fera de décroître, de m'apétiffer, de m'avillir, de m'obfcurcir, de me taire, de confentir à être imbécille & à paffer pour tel; de joindre à l'oprobre de JESUS crucifié l'impuiffance & le bégaiement de JESUS enfant. On aimeroit mieux mourir avec lui dans les douleurs, que de fe voir avec lui emmailloté dans le berceau. La petiteffe fait plus d'horreur que la mort, parce que la mort peut être fouferte par un principe de courage & de grandeur mais n'être plus compté pour rien comme les enfans, & ne pouvoir plus fe compter foi-même ; re

tomber dans l'enfance, comme certains vieillards décrépits dont les enfans dénaturés fe jouent ; & voir d'une vûë claire & pénétrante toute la dérifion de cet état, c'est le plus infuportable fuplice pour une ame grande & courageufe, qui fe confoleroit de tout le refte par fon courage & par fa fageffe. O fageffe, ô courage, ô raifon! vous êtes la derniere chofe dont l'ame mourante à elle-même a plus de peine à fe dépouiller. Tout le refte qu'on quite ne tient prefque point. Ce font des habits qui fe levent du bout du doigt, & qui ne tiennent point à nous. Mais nous ôter cette fageffe propre, qui fait la vie la plus intime de l'ame, c'eft arracher la peau, c'eft nous écorcher tout vifs, c'eft nous déchirer jufques dans la moëlle des os. Hélas! j'entens ma raifon qui me dit : Quoi donc ? Faut- - il ceffer d'être raifonnable? Faut-il devenir comme les fous qu'on eft contraint de renfermer? Dieu n'eft-il pas la fageffe même ? La nôtre ne vient-elle pas de la fienne? Et par conféquent ne fautil pas que nous la fuivions? Mais il y a une extrême diférence entre être raifonnans & être raifonnables. Nous ne

ferons jamais fi raisonnables, que quand

nous cefferons d'être fi raisonnans. Ea nous livrant à la pure raifon de Dieu, que la nôtre foible & vaine ne peut comprendre, nous ferons délivrés de notre fageffe égarée depuis le péché, incertaine, courte & préfomptueufes ou plutôt nous ferons délivrés de nos erreurs, de nos indifcretions, de nos entêtemens. Plus une perfonne eft morte à elle-même par l'Efprit de Dieu, plus elle eft difcrete fans faire trop d'éforts pour l'être : car on ne tombe dans l'indifcretion que par vivre encore à fon propre efprit, à fes vûës, & à fes inclinations naturelles, c'est qu'on veut, qu'on penfe, & qu'on parle encore à fa mode. La mort totale de notre propre fens feroit en nous la vraie & la confommée fagesse du Verbe de Dieu. Ce n'eft point par un éfort de raison au-dedans de nous, que nous nous éleverons au-deffus de nous-mêmes; c'eft au contraire par l'anéantiffement de notre propre être, & furtout de notre propre raifon, qui eft la partie la plus effentielle de l'homme, que nous entrerons dans cet être nouveau, où, comme dit S. Paul, JESUS-CHRIST fait notre vie, notre justice, & notre fageffe. Nous ne nous égarons qu'à

force de nous conduire par nous-mêmes. Donc nous ne ferons à l'abri de l'égarement qu'à force de nous laiffer conduire, d'être petits, fimples, livrés à l'Esprit de Dieu, fouples, & prêts à route forte de mouvemens, n'aïant aucune confiftance propre, ne réfiftant rien, n'aïant plus de volonté, plus de jugement; difant naïvement ce qui nous vient, & n'aimant qu'à céder après l'avoir dit. C'eft ainfi qu'un petit enfant fe laiffe porter, reporter, lever, coucher: il n'a rien de caché, rien de propre. Alors nous ne ferons plus fages; mais Dieu fera fage en nous & pour nous. JESUS-CHRIST parlera en nous pendant que nous croirons bégaier. OJE SU s Enfant ! il n'y a que les enfans qui puiffent régner avec vous.

Pour le jour de faint Jean l'Evangélifte.

JESUS, je défire me repofer avec Jean fur votre poitrine, & me nourrir d'amour en mettant mon cœur fur le vôtre ! Je veux être comme le difciple bien-aimé, inftruit par votre amour. Il difoit, ce difciple, pour l'avoir éprouvé, que l'onction en- 1. Joan. II. feigne toutes chofes. Cette onction inté- 27.

rieure de votre Efprit inftruit dans le fi lence. On aime, & on fçait tout ce qu'il faut fçavoir; on goûte, & on n'a besoin de rien entendre. Toute parole humaine eft à charge & ne fait que diftraire, parce qu'on a au-dedans la parole fubItantielle qui nourrit le fond de l'ame. On trouve en elle toute vérité. On ne voit plus qu'une feule chofe, qui eft la vérité fimple & univerfelle. C'eft Dieu, devant qui la créature, ce rien trompeur, difparoît & ne laiffe aucune trace de fon menfonge.

O Amour, vrai docteur des ames, on ne veut point vous écouter ! On écoute de beaux difcours; on écoute fa propre raifon : mais le vrai Maître qui enfeigne fans raifonnemens & fans paroles, n'est point écouté. On craint de lui ouvrir fon cœur. On ne le lui ofre qu'avec réferve;on craint qu'il ne parle & ne demande trop. On voudroit bien le laiffer dire; mais à condition de ne prendre ce qu'il diroit,que fuivant la mefure réglée par notre fageffe:ainfi ce feroit notre fageffe qui jugeroit celui qui la doit juger.

O Amour, vous voulez des ames livrées à vos tranfports; des ames qui ne craignent, non plus que les Apôtres, d'être infenfées aux yeux du monde. Il

ne

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