Octave lui dit que tandis que l'amour regne dans fon cœur, la foudre gronde fur fa tête, & que le bras d'Ali eft prêt de s'appéfantir fur lui. Le Bacha effrayé, demande au Derviche ce qu'il doit faire pour appaifer la colere du Prophête; Octave le fait profterner à l'autre bout du Théâtre, le dos tourné aux Acteurs, & ordonne à Arlequin de lui appliquer vingt coups d'une ceinture conftellée, à la moindre diftraction qu'il marquera dans fa priere. Pendant ce tems-là Octave s'entretient avec Angélique fur les moyens de fortir du férail, & il n'en trouve d'autres, que de faire prendre à Arlequin les habits d'Angélique. Celui-ci s'en défend dans la crainte d'être empallé; mais Octave le raffure, & lui promet de le tirer du férail, & celuici fe réfout au déguisement. Alors Octave va prendre le Bacha, qui n'a ceffé d'être profterné, & lui dit que le Prophête s'eft laiffé fléchir, & n'a étendu fa main vengereffe que fur le cou pable objet qui le rendait infidele aux promeffes qu'il a faites au Gouverneur, fon voifin. Alors Scapin arrive fort allarmé, & tâche de faire entendre au Bacha, par des fignes, que le défor dre eft dans l'Ifle, & que l'ennemi approche de fon Palais. Le Bacha dit qu'il ne peut l'entendre. OCTAV E. Tu vas l'entendre Muet, je te délie la langue, & t'ordonne de parler. SCAPIN, au Bacha. Seigneur, tout eft dans le défordre & la confufion.... Le BACHA. O Ciel! mon muet parle ! quel pro dige! OCTAVE. Ce n'eft pas le feul dont tes yeux doivent être aujourd'hui frappés ; je t'ai dit que les charmes de la coupable beauté à qui tu facrifiois, n'étaient plus. Octave leve le voile d'Arlequin, regarde; aime encore fi tu l'ofes. Arlequin fait une grimace épouvantable au Ba cha. COLOMBINE, à Arlequin. Ah! ma chere Maîtreffe, comme Vous voilà faite ! On entend un grand bruit de guerre, & Fatime, fille du Gouverneur voifin, vient apprendre au Bacha, que fon pere est venu pour la venger, mais que fa tendreffe vient l'arracher au péril qui le menace. Elle lui offre fa main, & l'affure que loin de le traiter comme un ennemi, le Gouverneur fon pere, le traitera comme un gendre & comme un allié. Le Bacha touché des marques de tendreffe de Fatime, & allarmé des menaces de fon pere, fe rend à fes premiers engagemens. Octave les unit, & emmenne du férail Angélique, Colombine & Arlequin, qui fe mocquant du Bacha, l'accable de reproches de fon ingratitude, & le traite de petit inconf tant. Le Bacha ordonne de célébrer fon mariage avec Fatime, par des fêtes qui terminent la Piece. Cette petite Comédie qui eft dans le goût des Pieces Italiennes, caufa autant d'éclat de rire, que la précécédente avait fait verfer de larmes. Toutes les trois font de M. de Saint-Foix, & formerent un fpectacle compler, qui fit beaucoup de plaifir par fa variété, & eut douze reprélentations. LES TABLEAUX. Comédie en un acte, en vers libres, fuivie d'un Divertiffement, 18 Septembre 1747. (1) LA Peinture ouvre la scène & s'applaudit que la fureur de Mars, fi contraire à tous les Arts, n'a point fait d'injure à celui qu'elle cultive. Un Eleve vient la confulter fur la maniere dont il doit peindre le Commis d'un Greffier, qui lui demande fon portrait; s'il doit le représenter la main ouverte ou fermée. La PEINTURE. Ouvrez-la, fermez-la, jamais de se méprendre Pour gens de ce métier, on ne peut hasar der; S'ils ouvrent la main, c'eft pour prendre ; L'Eleve demande enfuite comment (1) La fcène eft dans un Salon de l'Académie de Peinture. A il doit faire le portrait du plaifir, qu'un Amateur lui demande. D'abord La PEINTURE. pour nous gagner, il nous rit & nous flatte, Il féduit quand il est nouveau; Mais bientôt fur nos yeux attachant un ban deau, Et cachant fous les fleurs fon amertume ex trême, Cruel, plus on le fait funefte, plus on l'aime, Il ennyvre le cœur, il trouble le cerveau, Efface la beauté, met l'amour au tombeau, Languit, meurt, & s'éteint lui-même, Confumé par les feux de fon propre flambeau. L'Eleve fait à fon tour l'efquiffe d'un tableau, représentant les querelles des Chimiftes contre les Empiriques. J'ai peinte la chicane aux regards inhumains, Etique, hideufe, ridée. : Sur les deux Conteftants, la maligne élo quence, Par des Factum épais, répandra fon venin. |