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pondons non. Est-il possible? Nous répondons encore non. Qu'on retourne sous toutes ses faces ce grave problème des rapports de la foi et de la raison, c'est toujours à cette négation, à cette impossibilité qu'on aboutit. Si l'on interroge l'histoire, on trouve qu'à toutes les époques les philosophes les mieux intentionnés, même des chrétiens et des prêtres, ont franchi le pas qui les séparait de l'hérésie. Qu'on parcoure les questions communes à la foi et à la raison: on voit que, d'accord sur la spiritualité de l'âme, sur l'immortalité, sur plusieurs points fondamentaux de la morale et de la théodicée, la raison et la foi ne s'entendent plus sur la question de l'éternité des peines, sur celle des mystères, sur celle du péché originel, etc. Enfin, qu'on étudie avec un peu d'attention les solutions conciliatrices proposées par quelques grands esprits, dans le siècle dernier par Leibniz, dans le nôtre par M. Cousin: est-ce qu'elles sont solides? est-ce qu'elles sont concluantes? est-ce qu'il n'est pas manifeste qu'on les a imaginées dans une intention plus politique que scientifique? Il faut le dire tout haut, et en prendre son parti l'harmonie de la foi et de la raison est une chimère qu'on peut reléguer à côté de la pierre philosophale. Que la raison et la foi vivent quelque temps en paix, nous le souhaitons sans l'espérer; mais en accord complet, mais dans une absolue communauté de doctrines, c'est ce qu'il y a dans le monde de plus radicalement impraticable.

Nous n'approuvons donc que médiocrement la réponse du Siècle à l'Univers, réponse inspirée par M. Cousin, et rédigée par un de ses jeunes secrétaires, moitié philosophe, moitié diplomate, qui avait fait une thèse sur les probabilités, avant de suivre à Turin l'ambassade éphémère de M. Bixio. Nous connaissons, nous apprécions autant que qui que ce soit, le beau talent de M. Cousin, son dévouement inébranlable à l'Université, ses luttes en faveur de la philosophie; et peut-être lui prouverons-nous un jour, en prenant sa défense, le souvenir que nous gardons de ses éminents services. Mais en même temps, s'il nous le permettait, nous serions tentés de lui dire, au nom d'une jeune génération de philosophes qui n'entendent pas pactiser avec l'ennemi, et encore moins reculer: Laissez là vos tentatives de conciliation ambiguë entre la philosophie et la religion, et vos avances au clergé, toujours payées d'injures, et votre monotone appel à l'autorité de Bossuet et de saint Augustin, et tous ces voiles, ces bandelettes ecclésiastiques dont vous enveloppez la philosophie, comme si c'était une victime que l'on conduit au sacrifice. Vous voulez, dites-vous, faire connaître la philosophie au peuple; c'est un noble dessein, auquel nous applaudissons volontiers. Montrez-la donc, non pas humiliée, non pas honteuse d'ellemême, non pas emmaillotée, mais libre, au contraire, mais pleine de confiance et d'espoir, et marchant, enseignes déployées, à la conquête de l'avenir.

Après M. Cousin, M. Dumas. Nous avons promis au doyen de la Fafulté des sciences de Paris une place dans ce compte rendu. Hâtons-nous de le satisfaire, en adoucissant toutefois les plaintes que nous adressent contre lui les professeurs de mathématiques de l'Université.

On sait que plusieurs chaires de mathématiques étaient vacantes à la Sorbonne. Pour y pourvoir, qu'y avait-il à faire? Deux choses bien simples 10 faire connaître officiellement les vacances; 2° annoncer qu'après un délai d'un mois, nécessaire aux candidats pour la production de leurs titres, il serait fait des présentations au ministre par la Faculté et le conseil académique. C'est ce qui se pratique pour les chaires de province, qui n'ont pas apparemment plus d'importance que celles

de Paris. Mais les choses ne se sont point ainsi passées. Les listes de candidats, demandées par le ministre, ont été dressées à l'improviste, sans annonces préalables dans les journaux, sans que les professeurs des départements eussent le temps de produire leur candidature, sans que personne fût averti, excepté les amis de M. Dumas. Mais ce n'est pas tout.

Le ministre, en assemblant une première fois la Faculté des sciences et le conseil académique, n'avait provoqué des présentations que pour la chaire de M. Biot. Mais comme M. Leverrier la convoitait, sauf à quitter la sienne (une chaire créée tout exprès pour lui, avant l'autorisation des chambres, une véritable récompense nationale décernée par M. Salvandy qui avait fait passer M. Leverrier à l'état d'apothéose), M. Dumas favorisa cette permutation, très-légitime en d'autres circonstances, mais un peu contestable dans le cas présent; et, séance tenante, il fit faire au profit de M. Cauchy des présentations qui n'étaient pas demandées pour la chaire de M. Leverrier qui n'était pas vacante. Ici nous devons réparer une erreur. Nous avons dit, dans notre précédent numéro, qu'il n'y avait pas eu de réclamations contre ce scandale. Il y en eut, mais qui ne furent pas écoutées. La majorité de la Faculté des sciences et du conseil académique se laissa entraîner par M. Dumas; mais elle ne tarda pas à s'en repentir le ministre, guidé sans doute par l'expérience administrative et l'honnêteté de M. Lesieur, cassa les présentations irrégulièrement faites pour la chaire de M. Leverrier, et en demanda de nouvelles. Là-dessus grand étonnement à la Sorbonne, et chacun de murmurer et de dire: M. Dumas s'est donc trompé? il a donc eu trop de zèle, suivant l'expression de M. de Talleyrand? Mais continuons, et pour montrer avec quelle réserve, avec quelle impartialité M. le doyen s'est conduit dans toute cette affaire, racontons une anecdote que nous tenons d'un de ses collègues.

L'élection de M. Cauchy dans la Faculté, malgré beaucoup de démarches, semblait encore douteuse. Pour l'assurer, que fit M. Dumas? il alla chercher un vieillard affaibli par l'âge, et qui depuis longtemps ne participe plus aux délibérations de la Faculté, ni du Muséum, ni de l'Institut. Le vénérable professeur, se réveillant tout à coup au milieu de ses collègues, et se ressouvenant de ses études chéries, demanda si c'était pour un botaniste qu'on le faisait voter. Nous ignorons ce que M. Dumas répondit, ni de quelle flore nouvelle il prétendit que M. Cauchy avait enrichi la botanique; mais le vieillard vota docilement. Cependant M. Cauchy n'était pas encore élu; il avait pour lui la moitié des professeurs, les chimistes, les géologues, les botanistes, c'est-à-dire tout ce qu'il y a d'hommes compétents en mécanique céleste; l'autre moitié, composée des simples géomètres, était pour M. Delaunay. C'est alors que M. le doyen départagea la Faculté en faisant compter sa voix double; il usa du privilége exorbitant attaché au décanat.

En résumé, M. Dumas, qui vote sous toutes les formes, comme doyen, comme conseiller académique, ce qui ne laisse pas d'être étrange, a brusqué par calcul les délibérations; il s'est opposé à tout délai, à toute publicité, à toute sympathie efficace en faveur des professeurs des départements. Il a immolé l'Université sous l'Institut, et l'on a remarqué que, pour chacune des chaires vacantes, il tenait disposés de distance en distance des relais d'académiciens. Mais à la fin, voici l'avertissement qu'il a reçu dans la séance de présentations, provoquées par le ministre, non plus pour la chaire de M. Biot, mais pour celles de M. Leverrier et de M. Francœur, des voix ont été spontanément données à des professeurs de province, M. Lebesgue, M. Rollier, M. Sarrus; et dans le

conseil académique notamment, le résultat a été celui-ci : pour la chaire de M. Leverrier, M. Rollier, professeur très-apprécié à la Faculté des sciences de Bordeaux, a eu huit voix contre treize données à M. Cauchy. Pour la chaire de M. Francœur, M. Sarrus, doyen de la Faculté des sciences de Strasbourg, lauréat et correspondant de l'Institut, a été officiellement présenté comme second candidat. Il faut espérer que le sens de cette protestation sera compris, et que cette question des présentations pour les chaires de faculté, qui vient d'occuper le conseil de l'instruction publique, par suite d'une plainte envoyée de Strasbourg, sera plus sagement et plus équitablement réglée à l'avenir.

Un dernier mot sur M. Dumas: le savant doyen est universellement honoré pour ses travaux, pour son talent de professeur; et, quoique son langage puisse paraître quelquefois plus poétique que précis, principalement dans ses leçons d'apparat, quoique ses théories les plus récentes semblent, dans certains endroits, plus brillantes que solides, M. Dumas occupe dans la science un rang que personne ne lui conteste Mais pourquoi donc montre-t-il une ambition si active, si impatiente, si souple surtout? Et pourquoi, sorti de son laboratoire, conserve-t-il encore son habileté de manipulation? Il lui serait si facile de se modeler un peu sur son collègue de la Faculté des lettres, à charge de revanche.

Mais pendant que nous nous occupons de M. Dumas, M. de Falloux, un moment absent de Paris, vient d'être rendu à l'amour de l'Université. Reprenons l'examen de ses actes.

M. de Falloux a une prétention qu'il a héritée de M. Salvandy, un des hommes de France qu'il aime le plus, et réciproquement. Il veut être réparateur; il a même fait dans ce but quelques louables tentatives. Le malheur, c'est qu'en replaçant des fonctionnaires disgraciés, il en disgracie d'autres qu'il faudra replacer plus tard. Connaissez-vous M. de Fougères qui redevient recteur ? C'était un député ministériel, au temps de la coalition. Nommé recteur à cette époque sans renoncer à sa place de professeur de droit, M. de Fougères témoigna plus tard sa reconnaissance à M. Salvandy; et quand l'ordonnance sur les écoles normales secondaires était repoussée partout comme une conspiration contre l'école normale de Paris, le recteur d'Aix réalisa complaisamment dans son Académie le détestable projet du ministre. Voilà quelques-uns de ses titres. Quant à M. Larroque, qu'on retire du rectorat de Lyon pour y mettre M. de Fougères, c'est un impie qui ne mérite pas qu'on le plaigne. N'a-t-il pas il y a vingt ans, dans un livre de philosophie, outragé la bonté divine en osant douter de l'éternité des peines ? N'at-il pas approuvé, comme recteur, la décision par laquelle l'autorité municipale de la Guillotière ôtait aux frères ignorantins la subvention communale pour la faire passer à des instituteurs laïques? On comprend que le cardinal de Bonald, archevêque de Lyon et primat des Gaules, ne pouvait pas décemment garder un pareil recteur.

Le ministre met en disponibilité M. Larroque; mais il fait rentrer en activité de service les abbés, à Rhodez l'abbé Roques, qu'il installe dans la chaire de philosophie du lycée; à Caen, l'abbé Daniel, qu'il réintègre dans le rectorat. Nous ne voulons pas être injuste envers l'abbé Daniel : nous l'avons vu à l'œuvre, et nous savons qu'il a fait prospérer le collège de Caen, lorsqu'il n'était encore que proviseur. Mais quelle urgence y avait-il à le rétablir dans le rectorat, au préjudice de l'avancement de tant de fonctionnaires jeunes, actifs, éprouvés? M. Daniel avait pris sa retraite de son plein gré, quoiqu'il ait insinué le contraire dans une lettre tardivement courageuse contre M. Carnot.

Il fallait le laisser à ses loisirs, sans même le comprendre dans la commission d'examen des livres, ce qui a été le premier acte de M. de Falloux, et ce qui était déjà de trop. Mais on veut resemer des prêtres dans l'Université, pour purifier la grande Babylone, la sentine de pestilence. Sous ce rapport, M. l'abbé Daniel n'aura qu'à continuer ses anciennes traditions administratives, si naïvement admirées par un conseiller célèbre de l'Université. « Pourquoi donc, disait un jour ce conseiller à certain recteur qui le visitait, pourquoi vos professeurs de philosophie me causent-ils tant d'embarras ? Ils sont dénoncés par l'évêque, dénoncés par l'aumonier. C'est une guerre fatigante. Voyez l'abbé Daniel avec son académie; quelle tranquillité ! quelle bonne intelligence entre la philosophie et la religion! On n'entend pas un soupir.» Je le crois bien: ces philosophes de l'Académie de Caen, si exemplaires, si agréables au clergé, étaient des prêtres que l'habileté du recteur avait furtivement et peu à peu glissés dans les colléges.

M. de Falloux vient de faire une innovation, renouvelée du premier ministère de M. Salvandy: au lieu de faire inspecter séparément chacun des lycées de Paris et de Versailles, il a demandé un rapport comparatif sur les classes de philosophie à une commission de philosophes, sur les classes de mathématiques à une commission de mathématiciens, et ainsi des autres sciences. Il y a cette particularité pour l'histoire naturelle, que M. Geoffroy Saint-Hilaire dont tout le monde reconnaît la haute et illustre compétence, est enlevé à cette partie de l'inspection; on le remplace par des physiciens distingués, qui ne savent pas la zoologie, et qui n'ont jamais disséqué même un insecte. L'histoire n'a pas été considérée comme une spécialité; elle reste confondue avec les lettres, qui seront inspectées de la façon suivante : à côté des commissions nomades, chargées d'examiner comparativement les classes de sciences et de philosophie, on a formé des commissions pour ainsi dire sédentaires, une par collége, chargées de tout ce qui concerne les lettres, la grammaire, la discipline et l'administration. Nous avons eu la curiosité de savoir ce que M. de Falloux avait réglé pour son cher collége Stanislas. Il le fait visiter par M. Ragon, qui vient de publier un recueil de poésies religieuses, et par M. Jacquinet, qui a commenté Polyeucte à l'école normale, en présence du ministre, sans commettre trop d'impiétés.

Mais racontez-moi donc ce qu'on a décidé pour l'inspection des séminaires, me disait il n'y a qu'un instant un de mes amis de l'assemblée nationale qui me parle quelquefois d'instruction publique. J'ai vainement cherché au Moniteur cette partie des décisions du ministre.L'inspection des séminaires ! m'écriai-je ; elle n'a plus lieu depuis l'empereur; et je me rappelle même qu'un ministre des cultes, M. Persil, interpellé un jour par M. Isambert, déclara ignorer complétement ce qui se passait dans ces maisons. Sans doute; c'était sous la monarchie. Mais sous la République et avec un neveu de l'empereur? - Ajoutez donc et avec M. de Falloux pour ministre. En avril 1848, le courageux, l'honnête M. Carnot avait donné l'ordre aux inspecteurs généraux d'entrer dans les séminaires; mais on le força d'ajourner à quelques mois ce projet d'inspection. Aujourd'hui nous sommes loin de M. Carnot. Ainsi le nombre des élèves des écoles ecclésiastiques est inconnu du ministre de l'instruction publique et des cultes? Assurément. Et leurs progrès? - Inconnus. Et l'éducation qu'on leur donne, en y mêlant l'habitude de l'espionnage et de la dénonciation réciproque? Et tout ce qui intéresse la santé

-

Inconnue.

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des jeunes gens, la nourriture, la salubrité du local? Inconnu. - Et les noms des maîtres, leurs antécédents, leur moralité, leur capacité, leur méthode ? - Inconnus. Et la direction de cet enseignement théologique, qu'on dit fondé sur des ouvrages de casuistique odieux et obscènes, composés autrefois par les jésuites, dénoncés par Pascal, récemment perfectionnés dans le sens de Sanchez et d'Escobar par des évêques, et qui étonneraient, qui scandaliseraient même Pétrone, même Martial, même l'Arétin ? Inconnue. Quoi, pas d'inspection! pas de comptes demandés aux évêques sur l'éducation de vingt ou trente mille jeunes gens! Tant de complaisance et de lâcheté à l'égard de l'épiscopat!.

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P. S. Le Moniteur a publié, il y a quelques jours, une liste supplémentaire de six élèves admis à faire partie de la seconde promotion à l'École d'administration. Il peut paraître bizarre que le même ministre, d'un côté porte à l'assemblée nationale un projet de loi destiné à supprimer l'Ecole d'administration, de l'autre compose dans son cabinet une nouvelle liste d'élèves admis à cette même école. Mais ne nous arrêtons pas à cette contradiction. On nous communique sur la composition de la liste supplémentaire les plus graves détails. Ils nous semblent de nature à édifier le public sur l'impartialité, disons mieux, sur la probité administrative de M. de Falloux.

A la suite du concours de décembre dernier, on sait que le jury d'examen avait arrêté une liste de cent élèves destinés à former la seconde promotion de l'École d'administration. Il avait en outre signalé à la bienveillance du ministre deux candidats qui s'étaient distingués dans quelques épreuves.

La liste d'admission, comprenant cent élèves, parut il y a six semaines dans le Moniteur, sans qu'il fût fait mention des deux élèves recommandés. Cependant parmi les candidats rejetés par le jury, et à une assez grande distance des cent premiers, se trouvait un jeune homme, déjà engagé dans l'état militaire (notez bien ce point) et que recommandaient la haute position et les services de son oncle. Cette recommandation touchait vivement M. le ministre. A la vérité la liste d'admission était close; mais les deux mentions honorables du jury permettaient de la rouvrir. Seulement que faire de tous les candidats plus méritants, qui primaient le jeune militaire sur la liste générale ? Les recevoir tous ou n'admettre personne, ainsi le voulait la justice. Mais il est avec la justice des accommodements à l'usage du jésuitisme. Voici celui qu'employa M. de Falloux il y avait dans le nombre des candidats un malheureux jeune homme sans profession, mais soldat, et qui, après son échec, s'en était allé rejoindre son corps. On décide qu'un tour de faveur sera accordé aux militaires, et voilà comment ces deux élèves sont introduits l'un portant l'autre. N'est-il pas fâcheux que les autres candidats exclus n'aient pas su d'avance qu'en se faisant soldats, ils pouvaient entrer d'emblée à l'École d'administration?

Dans la liste des six, figurent encore deux noms qui se recommandent à divers titres l'un est celui d'un jeune homme qui a été blessé honorablement dans les journées de juin; mais il était des moyens de récompenser le courage, sans porter atteinte aux droits du concours; l'autre a pour passe-port sa qualité d'étranger.

Mais, dira-t-on, sans doute, avant de composer cette liste additionnelle, le ministre a pris l'avis du jury d'examen, ou du moins l'avis du conseil d'instruction de l'École. Non: ni les membres du jury, ni ceux

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