chofes qui n'y ont de rapport que quand on les fait avec un efprit intérieur dont vous n'avez pas même l'idée. Il faut nous éclairer, & prier Dieu avec ardeur de faire paffer dans nos cœurs les vérités qui pafferont par nos oreilles. Demandez fur-tout pour moi le Saint-Efprit, pour qu'il dirige mes paroles. LA MARQUISE. Permettez-moi une queftion, Mademoiselle: Je connois des perfonnes qui ont vécu avec vous depuis longtemps & qui m'affurent que vous n'avez jamais été dévote. Dites-moi, je vous prie, d'où vous tirez vos lumieres fur cet article. LA BONN E. J'ai paffé ma premiere jeuneffe avec de véritables Saints, Madame; & c'eft d'après leurs difcours & leurs exemples que je me fuis fait des idées justes de la dévotion. Il eût été, ce semble naturel de conformer ma vie à mes lumieres; & fi la dévotion n'eût été que ce qu'on appelle de ce nom, je vous affure que j'euffe été dévote: mais j'ai toujours eu trop de lumieres pour prendre le change. La dévotion factice eût été chez moi une hypocrifie réelle, & j'ai la fauffeté en horreur, fur-tout en matiere de religion. Voilà ce qui m'a empêché jufqu'à ce temps de prendre le parti de la dévotion. Il m'en faut une de la bonne efpece ou rien du tout. Je le répete, je ne puis en fouffrir le mafque. LA MARQUISE. Expliquez-nous donc bien clairement en quoi elle confifte; il me femble qu'auffi-tôt que je connoîtrai la vraie dévotion, je m'y livrerai fans réferve, & je ne conçois pas comment vous n'avez pas fuivi vos lumieres à cet égard. LA BONN E. Cela eft pourtant facile à concevoir. Les commencemens de la vraie piété font bien durs : je m'explique mal, ce ne font pas les commencemens de la piété qui font pénibles, car Dieu fait tout adoucir aux ames de bonne volonté; mais ce font les démarches qu'il faut faire pour le mettre en état d'entrer dans la voie de la dévotion. Je vous l'ai dit, Mesdames, la juftice en fait l'entrée; il faut , pour y être introduite, chaffer de fon cœur toute iniquité, & cela eft bien difficile. LA PRÉSIDENTE. Oui, pour les grands pécheurs. Je conçois que les perfonnes qui vivent dans le crime, ont des efforts bien pénibles à faire; mais par la grace de Dieu, il n'y a aucune de nous qui ait des attaches criminelles, ou des habitudes fcandaleuses. LA BONNE. Croyez-moi, Mefdames, c'eft faute d'être inftruites que nous jugeons fi favorablement de nous-mêmes. Une femme déréglée, un libertin de profeffion, font aifés à toucher: tout eft neuf pour eux dans la religion, tout les frappe. D'ailleurs ils ne peuvent s'étourdir fur leur fituation, elle eft fi manifeftement mauvaise, qu'ils ne peuvent la juftifier à leurs propres yeux. Parvenez à les rendre attentifs, vous les ferez gémir d'un état qui conduit à l'enfer, & il eft rare qu'ils ne faflent quelques efforts pour s'en tirer. Il n'en est pas de même des perfonnes qui ont des vices, qui, pour être moins groffiers, n'en font pas moins criminels. L'orgueil, l'amour-propre, la jalousie qui produit la calomnie, ou du moins la médifance, menent en enfer auffibien que le déréglement. Ils y menent même plus fûrement, parce que ces vices ne font point incompatibles avec la pratique extérieure des devoirs de lav eligion. Une femme entretenue, qui a été tant foit peu inftruite, n'ofe faire fes Pâques. Son ennemie à laquelle on n'a rien à reprocher fur la conduite, mais qui se fait un plaifir malin de la décrier, & de relever fes fautes; cette ennemie, dis-je, communie non-feule ment à Pâques, mais elle reçoit fouvent le Dieu de la charité dans un cœur d'où diftillent le fiel & l'amertume: elle entaffe donc facrilege fur facrilege, & court à grands pas à l'endurciffement total. Une autre, exempte de ce vice, fait de fon corps une idole dont elle est toute occupée; elle veut être aimée, cherche à plaire, & faute de s'examiner foigneufement, elle ignore que fes bonnes œuvres apparentes n'ont pour but que le défir d'être eftimée. Cependant la réception des facremens eft multipliée. Les facrileges font donc fréquens, & elle eft dans un état d'autant plus déplorable, que fes défauts étant moins fenfibles, il eft plus difficile qu'elle s'en apperçoive. Cette autre qui fait le bien par métier, qui |