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avec la Maifon mere, & ce fut le premier ftatut spécialement confirmé par le Souverain Pontife. Gervais muni du confentement & appuyé de l'autorité des Évêques, crut devoir encore implorer celle du Pape Innocent II, qui occupoit alors la Chaire de Saint Pierre. Il en obtint une Bulle datée de Latran 15 Avril 1139; (9) elle eft adreffée à tout l'Ordre. Le Saint Pere y confirme en général l'établissement de la regle de Saint Augustin dans les Maifons de l'Ordre & approuve les conftitutions d'Arrouaife. Si quelque Abbé de votre Congrégation, ajoute-t-il, se rend coupable de prévarication contre la discipline de fon Ordre, il fera repris par l'Abbé du Monaftere d'où il aura été tiré, & à qui, pour cet effet, fe joindront deux ou trois autres Abbés du même Ordre; fi après cet avertiffement il néglige de fe corriger, les mêmes Abbés le dénonceront à fon Evêque, qui de leur avis & fur leur rapport, réprimandera le coupable & l'exhortera derechef à réparer sa faute. S'il n'obéit pas ou qu'ayant été canoniquement appelé par fon Évêque, il refufe de comparoître, qu'il foit dépofé felon l'ordre judiciaire, & que les freres de fon Eglise aient une entiere liberté d'en élire un autre qui fache la gouverner mieux.

(4) Innocentius Epifcopus fervus fervorum Dei, Gervafio Abbati Ecclefie S. Nicholai in Arida-Gamantia, & ejus focietatis Abbatibus & fratribus tam prefentibus quam futuris, in perpetuum. Proprium eft Ecclefiaftice difcipline ab illicitis prohibere & exceffuum culpas falubriter refecare; que fi torpente Magiflro negligitur, cunéta in confufione deveniunt. Nam fi alter deftruit, alter edificat, fi ve aliquis propriam fequens voluntatem, minuit, alius addit, non folum regularis Ordo diffolvitur, fed etiam perditionis ex hoc materia ministratur. Cure igitur vobis fit, dilecti in Chrifto filii Abbates, ut perfonas diligatis, vitia perfequamini; bori dulces, mali vos fentiant correctores; culpe enim eft in culpa omnino debitam relaxare vindictam: & fic alterum condiatur ex altero, ut boni habeant amando quod caveant & mali metuendo quod diligant, &c. Ego Innocentius Catholice Ecclefie Epifcopus SS. Datum Laterani per manum Aimerici Sanele Romane Ecclefie Diaconi Cardinalis & Cancellarii XVII. Kls. Maii, indictione IIâ. Incarnationis Dominice anno M. C.° XXXIX. Pontificatus autem Domini Innocentii fecundi Pave, anno Xo.

Pour ce qui eft du dépofé, qu'il retourne à la Maison d'où il est venu. S'il réfifte, qu'il foit foumis à l'anathême.

Enfin le Souverain Pontife ftatue que l'Abbé d'Arrouaife en cas de prévarication fera d'abord admonété par les Abbés d'Hénin, de Ruiffeauville, & de Sainte Marie de Boulogne, & enfuite jugé définitivement par eux & par fon Évêque.

Urbain III fubftitua dans la fuite l'Abbé d'Arrouaife aux Évêques pour préfider aux jugements de dépofition & lui adjoignit à cet effet quatre Abbés de l'Ordre. Cette matiere eft traitée dans les derniers articles de la Charte de Charité pour l'Ordre de Citeaux : elle l'eft auffi dans le chapitre 194 des Constitutions Arroafiennes, où j'observe que dans le cas où les Abbés d'Hénin, de Ruiffeauville, & de Sainte Marie de Boulogne euffent prononcé contre l'Abbé général une fentence de dépofition, ils n'euffent pu, s'il eût obéi, lui en fubftituer un autre, ni en cas de résistance, le frapper d'anathême. Cependant auffi long-tems qu'eût duré fon obstination le Chapitre général n'eût pas été assemblé dans la Maison mere, mais dans telle autre qu'il eût plu aux trois premiers Abbés de l'Ordre de défigner. Malgré cela les Souverains Pontifes défendirent plufieurs fois expreffément de le convoquer jamais ailleurs qu'à Arrouaife.

L'article concernant le Chapitre général dans les Statuts de Citeaux, prouve encore que Gervais reçut de Saint Bernard le plan de fa réforme. Il répond précisément au chapitre 192 des Constitutions Arroafiennes. L'Eglife d'Arrouaife qui est mere de toutes les autres, eft-il dit dans ce chapitre, a établi comme une chose effentielle que tous les Abbés, pour fe voir mutuellement, pour maintenir la discipline, cimenter la paix & entretenir la charité, s'affembleroient une fois chaque année, le 11 des calendes d'Octobre, jour où l'on folemnife la fête

de Saint Matthieu, qu'ils chommeront. Le lendemain ils pouront traiter ensemble des affaires de l'Ordre, & discourir fur ce qu'il conviendroit de corriger, ajouter ou de fupprimer. Le jour fuivant ils invoqueront ensemble le Saint-Efprit, & l'Abbé d'Arrouaife ou un autre en chantera folemnellement la Messe, après laquelle ils entreront au Chapitre &c. Si quelqu'Abbé est réduit à une grande pauvreté, il le fera connoître, & tous les autres s'emprefferont de le fecourir felon leurs facultés. Deux raisons seulement peuvent dispenser d'affister au Chapitre général, celle de l'infirmité corporelle, & celle de toute autre grande néceffité. Dans l'un & dans l'autre cas l'Abbé enverra en fa place fon Prieur. S'il s'en absente fans cause légitime, il demandera l'année fuivante le pardon de fa négligence, & fera condamné à la pénitence ordinaire, c'est-à-dire à demeurer toute l'année hors de fon ftale, & à jeûner au pain & à l'eau les Vendredis des Carêmes de la même année, à moins que ce ne foient des jours de fête à neuf leçons.

Ce chapitre contient exactement les articles 13 & 17 de la Charte de Charité, comme les articles 18 & 21 de la même Charte touchant la mort & l'élection des Abbés, répondent parfaitement au chapitre 195 des Conftitutions Arroafiennes. (r) Que les freres dont l'Abbé eft mort, y eft - il dit, ne procedent point à l'élection de fon fucceffeur fans prendre l'avis de l'Abbé (s) à qui l'administration de leur Monaftere est dévolue, & fans le confeil de deux Abbés voifins. Sur quelque perfonne de l'Ordre que tombe le choix, elle doit être admife fans difficulté; mais il eft défendu de fe choifir un Abbé hors de notre fociété, comme aucun individu de cette fociété ne peut être élu dans un Ordre étranger.

(r) Cap. 195, de Abbate defuncto.

(s) Voyez la Bulle d'Urbain III, N.o X.

Les

Les articles 1, 2, 3, 4, 6, 7 & 8 de la Charte de Charité, concernant l'observance générale & exacte des Statuts de la Maison chef de l'Ordre, l'uniformité de la difcipline & des livres de liturgie, la préféance des Abbés des Maisons mercs & leurs droits dans les vifites, ont été également reçus dans les conftitutions d'Arrouaife, & il ne doit refter aucun doute que Saint Bernard n'ait préfidé à leur rédaction d'après le code de Citeaux. Je pourois appuyer ce que j'avance par quelques détails fur des usages plus particuliers, mais je différerai d'en parler, pour m'arrêter un moment fur l'état de l'Abbaye d'Arrouaife par rapport aux biens temporels.

Gervais qui avoit puifé les principes de fon gouvernement dans l'Ordre de Citeaux, y avoit pris auffi le talent de faire valoir les fonds qu'on lui accordoit à titre d'aumône ou autrement. Si d'un côté il avoit fous fa difcipline des Chanoines qu'il appliquoit spécialement à l'étude des faintes écritures & qu'il deftinoit au gouvernement spirituel, foit dans l'intérieur du Monaftere, foit dans les Paroiffes, il avoit d'ailleurs à fes ordres un grand nombre de freres lais ou convers. Ces derniers exerçoient quelque métier ou fe livroient entierement à l'agriculture. Ajoutez un nombre égal de converfes répandues dans les habitations dépendantes du Monaftere; car, comme e dit Gautier, Gervais recevoit à la converfion prefque toutes les perfonnes des deux fexes qui fe préfentoient pour vivre sous fes loix. C'étoit l'efprit du tems. Robert d'Arbrissel Instituteur de Fontevrault, y avoit raffemblé peu de tems auparavant une multitude de femmes mariées, de veuves, de jeunes filles, de clercs & d'hommes de toutes conditions & de tous âges. () « L'Homme Apoftolique, dit le P. Longueval, étoit fuivi dans

(S) Hift. de l'Églife Gall. T. 8. P. 131.

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» tous les lieux où il alloit, d'une foule innombrable de per» fonnes de l'un & de l'autre fexe, qui après l'avoir entendu » ne vouloient plus fe féparer de lui, pour mener fous fa » direction la vie pénitente qu'il leur avoir prêchée. » Mr. Racine fait à ce fujet une réflexion qui fans doute feroit aujourd'hui celle de tout le monde: (1) « On ne peut s'empê» cher, écrit cet Historien, de remarquer beaucoup d'imprudence » dans le zele de quelques-uns des Hommes célebres du dou» zieme fiecle. Convenoit-il par exemple, continue le même >> Auteur, que Robert d'Arbriffel menât dans des lieux écartés » une troupe d'hommes & de femmes, fous prétexte de péni>>tence? Comment perfonne ne fit-il fentir combien étoit bizarre » le plan du gouvernement de Fontevrault? »

Gervais fuivit l'exemple de Robert d'Arbriffel, fans aller auffi loin. Il ne mit pas les hommes fous le gouvernement des femmes; mais comme Saint Norbert, il reçut toutes celles qui fe donnerent à lui. Il les plaçoit dans un cloître féparé, quoique dans un même Monaftere. Ce mélange fingulier occafionna dans la Congrégation d'Arrouaife les mêmes abus que dans l'Ordre de Prémontré. On fut obligé dans celui-ci, vingt ans après sa fondation, de bâtir, pour les Religieufes, des Maisons séparées: les Arroafiennes ne furent fupprimées que vers le milieu du fiecle fuivant. J'en parlerai plus particulierement à cette époque à l'occafion d'un Chapitre général & d'un Concile provincial qui en crdonnerent fucceffivement l'extinction. C'eft affez de remarquer ici qu'il y cut parmi elles plufieurs perfonnes de qualité; mais que la plûpart n'étoient que d'honnêtes fervantes occupées à nourrir des beftiaux, à filer le chanvre & le lin. Outre celles qui habitoient le chef-lieu, il y en avoit, ainsi que

() Hit, Eccl. T. 5. P. 162.

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