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La vérité s'accrédite à mesure qu'elle s'appro fondit; au-lieu que la fourberie ne craint rien tant, que l'examen & le grand jour.

(Annales de Tacite.)

Soudain la Vérité, fi long-temps attendue,
Toujours chère aux humains, mais fouvent inconnue
Dans les tentes du Roi defcend du haut des cieux,
D'abord un voile épais la cache à tous les yeux:
De moment en moment les ombres qui la couvrent
Cèdent à la clarté des feux qui les entr'ouvrent;
Bien-tôt elle fe montre à fes yeux fatisfaits,
Brillante d'un éclat qui n'éblouït jamais.
Henri, dont le grand cœur étoit formé pour elle
Voit, connaît, aime enfin fa lumière immortelle,
Il avoue, avec foi, que la Religion

Eft au-deffus de l'homme, & confond la raison
Il reconnaît l'Églife, ici-bas combattue,
L'Églife toujours une, & par-tout étendue;
Libre, mais fous un Chef; adorant en tout lieu,
Dans le bonheur des Saints, la grandeur de fon Dieu,
Le Chrift, de nos péchés victime renaiffante,
De fes Élus chéris nourriture vivante,
Defcend fur les Autels, à fes yeux éperdus,
Et lui découvre un Dieu fous un pain qui n'eft plus.
Son cœur obéiffant fe foumet, s'abandonne
A ces Myftères faints, dont fon esprit s'étonne.

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La mode, depuis peu, fait régner le vernis;
Les efprits en font pleins, les cœurs en font garnis
Dans les mœurs on en voit comme dans les ouvrages.
L'homme dur, fur fa cruauté

Répand un vernis de bonté ;

Le détracteur malin couvre fa médifance

D'un beau vernis de charité;

Le gourmand fait coucher fur fon intempérance
Un vernis de fobriété.

Le vernis de l'économie
Par l'avarice eft emprunté;
Par un vernis d'hypocrifie,

Tartuffe ôte l'afpect de fa malignité;
Sous un vernis de modeftie,

La favant orgueilleux cache fa vanité.

VERS.

(Pannard.)

Maudit foit le premier, dont la verve infenfée,
Dans les bornes d'un vers renferma fa pensée;
Et, donnant à fes mots une étroite prison,
Voulut avec la rime enchaîner la raison.
Sans ce métier, fatal au repos de ma vie,
Mes jours, pleins de loifir, couleroient fans envie.
Je n'aurois qu'à chanter, rire, boire d'autant;
Et, comme un gros Chanoine, à mon aife, & content,
Paffer tranquillement, fans fouci, fans affaire,
La nuit à bien dormir, & le jour à rien faire.
Mon cœur, exempt de foins, libre de paffion,
Sait donner une borne à fon ambition;
Et, fuyant des grandeurs la préfence importune
Je ne vais point au Louvre adorer la Fortune;
Et je ferois heureux, fi, pour me confumer,
Un Destin envieux ne m'avoit fait rimer.
Mais depuis le moment que cette frénésie
De fes noires vapeurs troubla ma fantaisie,
Et qu'un démon, jaloux de mon contentement,
M'infpira le deffein d'écrire poliment;

Tous les jours, malgré moi, cloué fur un Ouvrage,
Je retouche un endroit, & j'efface une page.
(Defpréaux ; Sat. 2.) ́

VERTU.

Puiffance de la Vertu.

Si la Vertu n'eft rien, pourquoi l'humble Innocence
A-t-elle fur les cœurs confervé fa puiffance?
D'où vient qu'une Bergère, affife fur les fleurs,
Simple dans fes habits, plus fimple dans fes moeurs
Impofe à fes amants, furpris de fa fageffe?
Sévère avec douceur, & tendre fans foibleffe,
Elle a l'art de charmer, fans rien devoir à l'art.
Son devoir eft fa loi, fa défense un regard
Qui, joint à la fièrté d'un modefte filence,
Fait tomber à fes pieds l'audace & la licence.
D'où vient qu'un villageois, affis fous un ormeau,
Juge des différends qui naiffent au hameau ?
Pauvre, chargé de foins, & confumé par l'âge,
Qui peut l'avoir rendu le dieu du voisinage?
Les Pasteurs raffemblés viennent, autour de lui,
Chercher, dans fes leçons, leur joie & leur appui.
La Vertu, fous le chaume, attire notre hommage;
Le crime, fous le dais, eft la terreur du Sage.

(L'Abbé de Bernis.)

La Vertu eft la fille du Ciel. Celui qui la pratique paffe fa jeuneffe fans agitation & fa vieilleffe fans remords; il jouit d'un repos inconnu aux autres hommes, & n'á, pour les chofes du monde, qu'une eftime proportionnée à leur valeur. Il ne regrette pas le paffé, & ne craint pas l'avenir. Son efprit eft rempli de joie, & fes actions font le fondement de fa félicité.

La vertu fe fuffit à elle-même.

La vertu toute nue

Par fon mérite feul eft affez foutenue;

Et, fans parer fon nom de titres faftueux

On eft grand, en effet, quand on eft vertueux.

(Campiftron.)

La feule vertu conftitue l'homme.

Quel eft des mortels le plus considérable?
C'eft le plus vertueux & le plus raisonnable.
Et quel eft le plus vil? c'est le plus vicieux.
Il a beau s'élever fur fes nobles ayeux;
Beau fe croire au-deffus de tous tant que nous fommes
Dès qu'il eft corrompu, c'est le dernier des hommes.
Malgré le préjugé de l'éducation,

Je ne vois point entre eux d'autre distinction :
Le refte eft chimérique aux yeux d'un homme fage.

(Deftouches.)

La vertu, dit Claudien, trouve fa récompense en elle-même; elle ufe avec indifférence des biens de la Fortune; elle eft infenfible aux honneurs & aux applaudiffements, & n'a pas befoin de louanges pour fe rendre recommandable; elle trouve fes richeffes dans fon propre fonds, & regarde fans émotion, comme du haut d'une citadelle, les différents évènements de la vie.

La Vertu ne fait pas fortune dans ce fiècle-ci,

Si la Vertu, difoit Platon,

Pouvoit fe montrer toute nue,
On feroit charmé de fa vue.
Rien n'eft plus beau que ce dicton ;
Mais il eft faux, & c'est dommage,
La Vertu pauvre & fans crédit
Même en hiver, est sans habit;
L'en eftime-t-on davantage ?

(La Martiniere.)

La vertu, dans l'indigence, eft comme un voyageur que le vent & la pluie contraignent de s'envelopper dans fon manteau,

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La vertu, fans argent, eft un meuble inutile.

Pour vivre en honnête-homme, il faut avoir du bien.
La Vertu toute nue étoit autrefois belle;
Mais le Vice à fon aife eft aujourd'hui plus qu'elle ;
Et, de quelque talent dont on foit revétu,
On ne fait point fortune avec trop de vertu.
(Bourfault.)

La vertu doit avoir des dehors gracieux:

N'affectez point les éclats
D'une vertu trop

auftère

La fageffe atrabilaire

Nous irrite, & n'inftruit pas.
C'eft à la Vertu de plaire;
Le Vice a bien moins d'appas.

Indulgent pour la faiblesse
Que vous voyez en autrui,
Qu'il trouve en vous un appui ;
Que fon fort vous intéreffe.
Hélas! malgré la fageffe,

Vous tomberez comme lui. (Voltaire.)

L'ufage des Vertus a befoin de prudence ;
Dans un jufte milieu la raifon l'a borné :
D'ailleurs, il faut toujours que leur front foit orné
Des grâces & des fleurs qui font à leur ufage.
Quand la Vertu déplaît, c'est la faute du Sage.

(La Chauffée.)

Il n'eft pas fi facile qu'on penfe de renoncer à la Vertu. Elle tourmente long-temps ceux qui l'abandonnent; & fes charmes, qui font les délices des âmes pures, font le premier fupplice du méchant qui les aime encore, & n'en fauroit plus jouir. (J. J. Rouffeau.)

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