53 Elle a de belles dents: fön teint eft un peu brun. FINETTE. Oui, par ma foi d'auffi bruns qu'il s'en faffe. Au rang des laides, moi, hardiment je la place; Elle eft laide en tout point, de loin comme de près. Oui, laide exactement. Sa vue eft un fupplice. LAURE. Tu charges pour le coup; voilà de tes excès. Quel que Qu'elle a dans fes façons, & même dans les traits Certaine douceur naturelle; Qui frappe en bien, & qui prévient pour elle. Son efprit y répond. FINETTE. Oui franchement j'augure Qu'il va de pair, & qu'il fuit la figure, LAURE. Il brille peu d'abord, ce n'eft pas un génie; Mais à l'ufer je le crois bon. FINETTE. Que ne me parlez-vous plûtôt de fon amie? Oh! n'en fais pas l'éloge, je t'en prie. Je ne fçaurois fouffrir fon tour d'efprit fur-tout. FINETTE. Vous m'étonnez, qu'a-t'il donc qui vous bleffe? LAURE. Il eft enclin à juger mal d'autrui ; Je gagerois qu'elle eft d'un caractere Elle fe montre en tout d'un avis opposé Je ne fçai qui des deux l'emporte là-deffus. FINETT. Pouvez-vous bien les mettre en la même balance? Vous jugez la premiere, avec trop de rigueur, Elle l'excite auffi: depuis que je l'ai vue, Son zéle même à prendre ma deffence. ; Le tems preffe. Je veux achever mon bonheur ; Il faut, pour la punir, & combler ma vengeance. Il faut m'affurer de fes vœux. L'aveu que j'en attends eft trop cher à ma haine, Avant que de quitter ces lieux, Finette, il faut que je l'obtienne. Un hazard favorable à propos me l'amene. Je m'en vais profiter de ce moment heureux. PASS Finette fort. SCENE IV. LAURE, DAMON LAURE. M Adame, je me félicite De pouvoir un inftant être feul avec vous; Puis-je me flatter qu'une chaîne, Cù je mers ma félicité, Pour vous ne foit pas une peine, Et ne trouve en vos vœux nulle difficulté ? DAMON. Un lien que mon Oncle approuve & fait lui-mê me, N'en doit pas trouver dans mon cœur. Pour moi, qui m'en rapporte à fa prudence ex tr me, Le devoir n'est jamais une peine, Monfieur. LAURE. Madame, voilà le langage Que tient toûjours une perfonne fage; Que j'exige un peu plus que de tels fentimens. Il me femble, Monfieur, qu'ils doivent vous fuf fire, Et qu'un Hymen formé par la raison, Et qu'entre nous tout ren fortable; Ne demande de moi que la foumiffion. Ne pas déplaire à votre vue, Eft le bonheur modefte où mon cœur se réduit. Sans bleffer votre retenue, C'est un bien dont par vous je puis me voir inf truit. DAMON. Pour une premiere entrevue Vous demandez, Monfieur..... LAURE. Ce qu'on doit m'accorder. Je borne toute mon instance A fçavoir fimplement ( puis-je moins deman der?) |