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PREFACE.

OU L'ON FAIT VOIR CE QUE c'eft que la Geometrie: quelle eft fon utilité, & quels font fes Principes.

ANS les Elemens de Mathematique imprimés pour la troisième fois en 1704 nous avons confideré les proprietés de de la Grandeur en général. L'étendue qui eft fenfible dans les corps, en eft une efpece. Dans tout corps, ou dans ce qui est étendu, on diftingue trois dimenfions, la longueur, la largeur,& la profondeur. Ce font les proprietés de l'étendue & par confequent des corps, que nous allons examiner; non pas celles des corps fenfibles, la dureté, la couleur, le froid, le chaud; mais celles de l'étendue intelligible, ou du corps entant qu'il eft conçû, comme un être qui a trois dimenfions, qui eft long, large, & profond. Quand il n'y auroit aucun être tel dans le monde, tout ce que nous allons dire des proprietés du corps ainfi confideré, ne laifferoit pas d'être éternellement & immuablement vrai; car ce n'eft pas une matiere fujette au changement qui eft ici nôtre objet. Il ne s'agit d'aucun corps particulier; mais parceque

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c'eft pour mesurer la terre qu'on s'eft appliqué à étudier les proprietés du corps en général, on donne à ces Elemens le nom de Geometrie, qui s'étend bien plus loin qu'à la mesure de la terre. Comme elle découvre les proprietés de l'étenduë, elle comprend la connoiffance de prefque toutes les chofes qui font dans le monde, qui eft l'assemblage de tous Les corps; car ce qui convient au corps intelligible ou au corps en général, convient à tout ce qui eft réellement étendu. Les Aftres font des corps, les Cieux font étendus. Leur distance de la terre, leur grandeur, leur diametre femefurent par des lignes, qui peuvent auffi marquer leurs mouvemens ; ainfi Aftronomie ou la fcience des Aftres, les operations, les raifonnemens des Aftronomes font fondez fur la Geometrie,

La Gnomonique eft un art qui trace fur un plan la route du Soleil, en marquant le chemin de l'ombre que fait le fommet du ftile du quadran qui reprefente la terre, autour de laquelle le Soleil tourne; ainfi les operations de cet art font fondées fur la Geometrie, La Marine dans la plus grande partie de fes pratiques eft une dépendance de l'Aftronomie. Il est évident que l'Architecture, les Fortifications, les Mechaniques ont pour objet des chofes étendues; par confequent elles font renfermées dans la fcience du corps en général. Il n'y a gueres autre chofe dans les corps confiderez dans leur état naturel, que ce qui eft dans le corps mathematique, c'est-à-dire, feulement confideré com

que

me étendu. On a fujet de croire que toutes les qua htés fenfibles du corps naturel ne font point en lui, mais dans l'ame qui les fent son peut donc dire que toute cette partie de la Philofophie, qu'on nomnomme la Phyfique, n'eft qu'une Geometrie. Je parle de cette partie où il ne s'agit point de l'efprit, ni de fon union avec le corps, mais fimplement du corps. On ne peut donc être Phyficion fans être Geometre. Dans l'Optique, la Dioptrique, la Catoptrique la Perfpeitique, tout fe démontre par lignes ; & généralement dans une bonne Phyfique on rend raifon de tous les effets des corps en montrant que ce font des fuites de leur figure, de leur mouvemens, qui s'expriment par des lignes. En un mot la Geometrie eft comme les élemens de toutes les fciences, qui ont pour objet les corps.

Néanmoins ce n'eft pas fur cela feul que je fonde l'estime qu'on doit faire de la Geometrie, mais fur ce qu'elle eft propre pour former l'efprit, & le rendre exact, étendu & penétrant. Nous avons vû dans la Preface du Traité de la Grandeur, l'importance qu'il y a de s'accoûtumer à confiderer les chofes abftraites, c'est-à-dire, feparées de toute matiere fenfible ; & que pour cette raison l'Etude de ce Traité étoit avantageufe, parce que les veritez qu'on y propofoit étant expliquées fans figures leurs idées fe prefentoient à l'efprit fans images. On ne peut voir par l'imagination que ce qui eft corps ; ceux donc qui ne font ufage que de leur imaginetion, ne peuvent appercevoir les chofes fpirituelles.

Ils ne croyent pas même qu'il y en ait, parce qu'ils n'en trouvent point d'images dans leur imagination: comme lorfque dans les tenebres on cherche quelque corps avec les mains, fi l'on ne rencontre rien qui réfifte, on croit qu'il n'y en a aucun.

It eft donc important de s'accoûtumer à voir fans images,& de fe convaincre qu'il y a des veritez qui fe conçoivent autrement que les corps. Mais il ne faut pas pour cela negliger de cultiver fon imagination. On en peut même tirer un grand secours pour concevoir les chofes fpirituelles ; & c'est une néceffité dans l'état où nous nous trouvons, dy avoir recours. En quitant Dieu nous fommes tombez dans les corps, il faut donc nous y appuyer pour nous rlever, comme nous le faifons quand nous fommes tombez par terre. L'ame voit la verité qui lui eft préfente, & à laquelle elle eft attentive: Mais les corps l'attirent vers eux par les impreffions qu'ils font fur elle, & lui font perdre de vûë cette verité, à moins qu'elle n'y foit comme attachée par les corps mêmes, qui font la caufe de fes diftractions. Ce qui arrive lorfque cette verité eft exprimée par des fignes fenfibles, qui tournent l'ame vers eux, & l'obligent de voir la verité qu'ils marquent. Peu de perfonnes fe peuvent paffer de ce fecours. Il y a d'habiles gens qui ne voyent rien dans un fujet lorsqu'ils le confiderent par les feuls yeux de l'efprit, & qui après l'avoir exprimé fur le papier, apperçoivent tout ce qu'il faut voir pour en juger.

Ainfi après avoir lû le Traité de la Grandeur

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