A peine étoit-il arrivé, qu'il vit entrer un particulier qui fut bientôt fuivi de fix ou fept autres per fonnes. Ce particulier étoit François Babilot père; il envifagea Remy Baronet, & s'écrie que c'eft fon fils. Baronet ne connoiffoit pas même l'homme qui lui parloit ainfi; il nia hautement qu'il fût fon père : ce qui prouve que vous êtes mon fils, repartit Babilot, c'est que vous devez avoir, à la cuiffe, une tache de vinaigre qui provient d'une défirance de votre mère.

Baronet découvre auffi-tôt fes cuiffes, on les examine avec foin, & on n'y trouve point la tache de vinaigre. On devoit en conclure que ce n'étoit point le fils de Babilot. Mais la vérité n'étoit pas l'objet de ces démarches. La preuve fur laquelle on avoit hafardé d'implorer le fuffrage de la nature, n'ayant pas réuffi, on voulut y substituer la no,

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toriété publique. Pour se la procu rer, on fait fortir du presbytère les particuliers qui y étoient entrés avec Babilot. Ils fe répandent dans le village, & vont de maifon en maison publier que c'étoit le fils de Babilot qui ufurpoit le nom de Baronet; ils annoncent qu'il a été reconnu par fon père, mais ils ont foin d'omettre la circonstance qui démentoit cette affertion.

Cependant Babilot, preffé par la force de la vérité, tourmenté par les remords de fa conscience, fort de chez le curé, pour fuivre Aubert & Baronet, qui entroient dans le cabaret où ils étoient logés. Là, envisageant avec effroi les fuites de fon impofture, il leur offre de déclarer, par écrit, que Baronet n'eft point fon fils; il demande, en même temps, une plume & de l'encre, & fe préparoit à rendre hommage à la

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vérité, lorfque fa femme, que

le

curé d'Avaux avoit envoyée avertir, entra & employa tout le pou voir qu'elle a fur l'efprit de fon mari, pour l'empêcher d'écrire fa décla

ration.

La prétendue reconnoiffance de Babilot fe répand de bouche en bou che; cette fable, appuyée de l'autorité du fieur Roland, s'accrédite bientôt dans le public avide de nouveautés. La veuve Lamort s'applaudit du fuccès de fon ftratagême, & tente alors de le faire réuffir en justice. Elle perfifte, en conféquence, à méconnoître fon frère, & ar ticule que c'eft Guillaume Babilot, fils de François, qui, étant de retour après une longue abfence, a pris fauffement le nom de Remy Baronet dans l'acte du 6 mai 1764.

La caufe eft portée à l'audience. Baronet foutenu par fon innocence,

fe préfente devant fes juges; ils ren dent, le 5 août 1766, une fentence, dont voici les principales difpofitiors.

» Après qu'il a été posé en fait » par Françoife Baronet, veuve Lamort, que Remy Baronet n'eft pas Remy Baronet, fils de Jean » Baronet & de Jeanne Chappedoye, mais qu'il eft, au con» traire, Guillaume Babilot, fils de » François Babilot & de Nicole » Foffier, & qu'il ne reffemble à Remy Baronet, ni par l'âge, ni » par la taille, ni par la figure & » les traits du vifage, ce qui a été » dénié par ledit Baronet, qui a » foutenu, au contraire, qu'il eft

Remy Baronet, & non Guillaume » Babilot, nous avons appointé les » parties à faire preuve de leurs » faits ».

La même fentence permet à la

veuve Lamort de faire vifiter Baronet par deux Chirugiens. En exécution de cette fentence, Baronet a été vifité le 13 du même mois d'août. Il résulte du procès-verbal des chirurgiens, entr'autre chofe, qu'il n'y a fur les cuiffes aucune tache naturelle appellée défirance, & qu'il a la jambe droite plus courte que la gauche; ce que les chirurgiens ont affuré ne pouvoir provenir que d'une mauvaise conformation qu'il a apportée en naiffant.

Les parties firent entendre refpectivement des témoins. Vingthuit, à la tête desquels étoit le curé d'Avaux, dépofèrent pour la veuve Lam ort; trente-un dépofèrent pour Baronet. Il falloit fe refufer à l'évidence pour ne pas trouver, dans les enquêtes,la preuve la plus complette en faveur de l'accufé. Cependant es offi ciers du bailliage de Reims